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0220 Mission Scientifique dans la Haute Asie 1890-1895 : vol.1
Scientific Mission to High Asia 1890-1895 : vol.1
Mission Scientifique dans la Haute Asie 1890-1895 : vol.1 / Page 220 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000197
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  • •••-,1 :

18   MISSION SCIENTIFIQUE DANS LA HAUTE ASIE.

de l'enrôler, car Dutreuil de Rhins et moi nous avons toujours tenu pour obligatoire de ne jamais accepter les services d'un homme ayant eu des torts envers un autre voyageur européen. Ce Mohammed Iça avait du reste d'excellents témoignages de, plusieurs voyageurs, particulièrement de notre compatriote, M. Dauvergne et de Carey, sous lequel il avait eu l'honneur de faire ses premières armes. Il était destiné à remplacer notre interprète pour la langue tibétaine que la maladie empêchait de nous suivre. Il savait, outre le tibétain, trois langues, le persan, l'hindoustani et le turc, toutes trois assez mal, mais il ne le lui fallait pas dire, car il avait la vanité chatouilleuse. Haut de six pieds, robustement charpenté, il paraissait taillé pour les plus rudes et les plus longues explorations. En somme, c'était un bon domestiqùe, bien stylé, utile, actif, ne manquant ni d'entrain, ni de gaieté, tant du moins qu'il n'avait pas à lutter contre des difficultés exceptionnelles. Malheureusement, il était médiocrement intelligent, grand donneur de bourdes, et poltron ridicule. Le trop de générosité des voyageurs précédents à son endroit, en l'encourageant à des prétentions excessives, avaient aggravé le défaut le plus saillant de son caractère qui était tout ostentation et présomption. Nul ne portait de•plus beaux manteaux ni d'aussi vastes turbans; à Khotan, il déclara noblement å Dutreuil de Rhins que sa dignité ne lui permettait pas de faire en ville un autre service que celui de gentleman in waiting ; il ajoutait que Mohammed Iça était bien connu dans l'Inde entière et le Turkestan, que le Gouvernement avait eu plus d'une fois l'occasion d'apprécier ses mérites; à l'entendre, il n'avait pas son pareil en toute chose, même en style et littérature tibétaine : men birindji bitamen (moi, j'écris de premier ordre), disait-il en son mauvais turc, et en vérité il traçait à la perfection les trente lettres de l'alphabet ; s'il lui arrivait par hasard d'avouer son ignorance sur quelque point, il disait « j'ignore » avec plus de fierté qu'un autre eût dit « je sais ». Enfin, il fallait le prendre comme il était. Si sa probité était sujette à de fâcheuses distractions, si son zèle et sa fidélité, dont il faisait grand étalage, se mesuraient exactement à l'espoir qu'il avait d'en profiter, on eût été naïf d'attendre