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0313 Mission Scientifique dans la Haute Asie 1890-1895 : vol.1
Scientific Mission to High Asia 1890-1895 : vol.1
Mission Scientifique dans la Haute Asie 1890-1895 : vol.1 / Page 313 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000197
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EXPLORATION DE 1894.   281

naturels qui furent bien près de nous paraître miraculeux. La rivière était dégelée, et ses eaux, qui roulaient des blocs de glace:emplissaient.la vallée d'un bruit sourd, mais vivant, redoublé par les échos des rochers. Aux pentes des collines croissaient quelques touffes de saules nains, chétifs arbrisseaux hauts de deux pieds à peine ; mais leurs faibles branches, comme la musique des eaux, éveillaient en nous à la fois le souvenir lointain déjà et l'espérance prochaine de plus doux climats. Cependant la nature tenait à ménager les transitions et des grains de neige et de grêle nous forcèrent encore à relever nos collets, à rabaisser nos bonnets sur nos oreilles et à serrer nos ceintures. L'unique chameau qui nous restait, épuisé (le fatigue et de faim, triste de la mort de son dernier compagnon et, comme désespéré de ce pays toujours inexorable qu'il parcourait depuis si longtemps, sans y trouver la longue herbe qu'il aimait, s'agenouilla sur le sol et ne voulut plus se relever. C'était alors le plus ancien de nos animaux : il avait un an et cinq jours de campagne, avait franchi environ trois mille kilomètres, et depuis sept mois et six jours n'avait pour ainsi dire point eu d'herbe à manger.

Nous rencontrions assez fréquemment des pèlerins venant de Lha-sa ou s'y rendant; Mongols ou Tibétains du Kouk nor, pauvres gens qui å la route directe, mais déserte, préféraient cette route longue, mais habitée, qui passe par Gyé-rgoun-do, le pays des Hor Kang-sé et celui des Ngo-log. Les Tibétains, en général, avaient dans 1'oeil et sur le front quelque reflet d'une âme pensante et inquiète ; au contraire sur le visage rude et plat, presque informe des Mongols, Khalkas pour la plupart, se peignait une naïveté qui touchait à la stupidité de la brute. De l'immense voyage qu'ils avaient fait à pied d'Ourga à Lha-sa, 700 lieues à vol d'oiseau, ils n'avaient rien retenu que les noms de Si-ning et du Kouk nor. Ils nous parlèrent des Russes, dont les mirchands viennent souvent dans leur pays ; eux-mêmes avaient été dans les stations russes de la frontière. Dans ce contact avec la civilisation slave, ils avaient appris à estimer les maîtres récents du septentrion pour leurs belles bottes et leur bonne eau-de-vie. C'est tout ce qui avait frappé leur imagination dans la culture européenne, tout ce qu'ils en

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