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Mission Scientifique dans la Haute Asie 1890-1895 : vol.1 | |
Scientific Mission to High Asia 1890-1895 : vol.1 |
LA CHINE SEPTENTRIONALE. 395
dises moyennant dix sous par jour et faisant ainsi des centaines de lieues.
Si le voyageur en Chine n'avait à se plaindre que des mauvais chemins et des mauvaises voitures tout irait bien encore et il s'estimerait heureux si, après la pénible, ennuyeuse étape, un gîte décent l'attendait; mais, quand l'heure du repos a sonné, il ne trouve pour le recevoir qu'une hôtellerie, dont, seule, la nécessité pressante peut l'obliger à franchir la porte. De la cour carrée la pluie a fait un marais de boue noire, gluante, puante, composée en parties égales de terre et de fumier, dont l'horreur fait reculer les pourceaux eux-mêmes. Sur un ilot d'immondices un coq est perché, la crête abattue, les plumes salies, ternies, collées sur son corps maigre et transi, parfaite image de la désolation. A droite et à gauche sont rangés quelques chariots couverts de fange, crépitant et ruisselant sous l'averse; ů l'abri de hangars délabrés les chevaux et les mules, crottés jusqu'à l'échine, secouent violemment l'eau dont ils dégouttent. Au fond de la cour sont les chambres, devant lesquelles il est impossible de trouver une place pour descendre à pied sec; la porte est formée d'ais disjoints, fendus, le plus souvent pourris, et l'intérieur offre le même aspect de misère sordide que l'extérieur : un sol de terre battue, inégal et bossué, un toit crevassé, une fenêtre dont le papier s'en va par lambeaux, des murs nus, lézardés, qui suintent et dont le phare vieilli tombe par plaques, de chaque côté un vaste poêle de briques, occupant le tiers de la pièce, haut de deux pieds, servant de lit et couvert d'une natte sale, déchirée, effiloquée, au milieu, si l'auberge est bien tenue, une table graisseuse, dont un pied est cassé et les trois autres branlants, un tabouret bancroche, voilà ce que la première vue découvre dans la plus confortable des chambres; mais ce n'est pas tout, car dès que les yeux sont habitués à l'obscurité, ils n'ont aucune peine à distinguer l'affreuse vermine qui pullule de toutes parts. Si l'on a (lu loisir, on peut se divertir à examiner les dessins et les inscriptions dont des lettrés ont charbonné les murailles : les uns se contentent de commémorer l'année et le jour (le leur passage, d'autres maudissent la grossiéreté et la ladrerie de l'hôtelier et le
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