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Mission Scientifique dans la Haute Asie 1890-1895 : vol.1 | |
Scientific Mission to High Asia 1890-1895 : vol.1 |
LA CHINE SEPTENTRIONALE. 399
quiétez-pas, répliqua-t-il, mon voisin est jeune, il me cédera sa place, et les autres se serreront. » On me dit que le col de Lou-pan chan était
pour le moment impraticable aux voitures; en effet, je vis bientôt venir de l'autre côté deux charretiers revêtus des pieds au sommet du crâne d'un épais manteau de boue : ils avaient versé et avaient dû abandonner leur voilure embourbée. J'envoyai réclamer des animaux de renfort au sous-préfet, et celui-ci me dépêcha, pour m'informer qu'il prendrait immédiatement les mesures nécessaires, deúx de ses employés, dont l'exacte description ne déparerait pas le plus fantaisiste des romans picaresques. Ils avaient des faces de carême, des têtes qui n'avaient pas connu le barbier depuis de longues semaines, ils portaient des vêtements usés jusqu'à la corde, maculés, effilognés, rapiécés de toutes parts, des bottes dessemelées et baillant ; le cahier de visite de leur maître qu'ils me présentaient démontrait par son état lamentable qu'aux yeux du sous-préfet il n'y avait point d'économies à dédaigner. Comme le froid était vif déjà et que la neige avait paru sur les collines voisines, les pauvres gens, leur commission terminée, s'approchèrent de mon brasero en me disant d'un air piteux qu'au Yâ-men on n'avait pas de quoi se chauffer;
Le 20 octobre, je franchis le col « des six lacets », humble montagne dé 2,480 mètres, qui est le plus facile du monde en temps ordinaire, mais qu'alors la boue tantôt mince et glissante, tantôt extrêmement profonde rendait fort pénible. Au sommet le thermomètre marquait — 2° et la neige qui tombait avait déjà recouvert le sol d'une couche d'un demi-pied. La descente, pire que la montée, était semée de chars qui avaient versé et gisaient ensevelis dans la fange jusqu'au milieu de caisse. De quelque côté du chemin qu'il marchât, mon cheval s'embourbait jusqu'au-dessus du ventre ; enfin j'arrivai à la sous-préfecture
de Oua-ting presque aussi misérable que celle de Loung-té, à vingt-six kilomètres de cette dernière bourgade. Mes voitures ne me rejoignirent
que le lendemain. L'une d'elles portait un lettré chinois qui me servait d'interprète, et que le décorum retenait de monter à cheval, elle avait versé et le malheureux, noyé dans la boue, avait failli y périr asphyxié.
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