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Mission Scientifique dans la Haute Asie 1890-1895 : vol.1 | |
Scientific Mission to High Asia 1890-1895 : vol.1 |
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LA CHINE SEPTENTRIONALE. 443
coup n'avaient point d'uniforme, tous étaient vêtus légèrement malgré le froid, quelquefois en haillons, chaussés de méchantes espadrilles ou de bottes qui ne tenaient plus 'au pied. Les uns étaient sans armes, les autres étaient munis de fusils à mèche, de piques, de sabres et (le faux. Ce dont on prétendait faire une armée était un ramassis informe (le paysans faméliques, de manoeuvres sans travail, de mendiants, (le vauriens, de vagabonds et de flibustiers, ayant une physionomie douloureuse ou patibulaire. « On ne prend pas, dit un proverbe chinois, un brave homme pour en faire un soldat, ni du bon fer pour en faire des clous. » Quant aux officiers ils semblaient être à la hauteur de leurs subordonnés ; on les accusait déjà d'avoir mis dans leur poche l'argent destiné à l'habillement et aux vivres. Pourtant je ne remarquai point parmi les soldats d'insolence ni trop de désordre : ils avaient la conscience d'être (le pauvres sires et cela leur donnait quelque modestie. J'avisai une de ces nouvelles recrues qui cheminait les bras ballants comme à la promenade : « Où vas-tu de ce pas ? » lui demandai-je. — « Je vais battre les Japonais, Monsieur », répondit-il incontinent, non pas d'un ton de matamore, mais tout uniment comme s'il avait dit : Je vais vendre mes légumes au marché. Outre les recrues nouvelles, il y avait quelques troupes régulières venues du sud qui ne valaient pas mieux que celles que j'avais vues depuis Si-ning, et dont j'ai déjà exprimé mon opinion. Le fonctionnaire qui m'accompagnait, méridional lui-mme, ne partageait point mon avis. « Vous verrez,•me disait-il, que la face des choses va changer. Les gens du nord manquent de nerf, tandis que ceux du midi sont des braves, nourris des fortes traditions de l'antiquité, ce sont de vrais tigres auxquels rien .ne résiste. » C'était une honorable illusion ; en réalité l'armée chinoise est partout la même, utile tout au plus contre des hordes désordonnées de barbares. Le vice radical est le recrutement déplorable des officiers et des généraux. Les emplois militaires, de plus en plus méprisés à mesure que le préjugé littéraire et ritualiste faisait des progrès, sont devenus un excellent placement pour les aventuriers dangereux et les fils de famille qui joignent la vigueur physique à l'imbécillité intellec-
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