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Documents sur les Tou-kiue (Turcs) occidentaux : vol.1 |
220 EDOUARD CHAVANNES.
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rupture sont faciles à discerner. Tandis que Che-tie-mi (Istämi) avait trans-
mis son pouvoir à son fils Ta - t'eou qui eut un règne fort long puisqu'il
apparaît encore sur la scène de l'histoire en l'an 6031), 7'ou-men, mort
en 552, avait eu pour successeurs ses trois fils qui régnèrent l'un après
l'autre, K'o-lo (552), Mou-han (553-572) et T'o-po (572-581); à la
mort de ce dernier, la situation était fort embarrassée, puisque les fils des
trois derniers souverains avaient des droits égaux au trône. Ce fut Che-t'ou,
ou Cha-po-lio, fils de K'o-lo, qui l'emporta; Ta-lo-pien, appelé aussi A po,
fils de Mou-han, se trouva lésé dans ses droits et ne tarda pas à entrer en
contestation avec le nouveau prince; attaqué par lui, il alla se réfugier
auprès de Ta-t'eou, kagan des Turcs occidentaux. Les Chinois cependant
surveillaient avec attention ces péripéties; pratiquant leur maxime favorite
de diviser pour commander, ils jugèrent le moment bien choisi pour pré-
cipiter les événements; leurs émissaires leur remontraient en effet que
Ta-t'eou était en réalité plus puissant que Cha-po-lio, le jeune chef des
Turcs septentrionaux, et qu'il supportait impatiemment d'avoir à le recon-
naître pour suzerain; il suffisait d'encourager ses velléités de révolte pour
qu'elles prissent corps 2). Le gouvernement chinois fit donc des ouvertures
à Ta-t'eou; il lui donna un guidon surmonté d'une tête de loup, emblème
de l'autorité suprême sur tout le peuple turc dont le loup était le totem 3);
il affecta de reconnaître à ses envoyés la préséance sur ceux de Cha-po-lio.
Fort de cet appui, Ta-t'eou se révolta; puis, lors d'un voyage que l'empe-
reur fit en 584 dans le Kan-sou, il vint lui exprimer sa soumission 4). Plus
tard, lorsque Ta-t'eou fut devenu à son tour trop puissant et prétendit à
l'hégémonie sur l'ensemble des tribus de race turque, les Chinois soutinrent
au contraire un chef des Turcs septentrionaux pour le lui opposer; ils pra-
tiquèrent ainsi constamment une politique de bascule grâce à laquelle ils
réussirent à maintenir jusqu'à la fin entre ces frères ennemis la mésintel-
ligence dont ils avaient été les instigateurs. Cette désunion, il faut le
Cf. p. 48, n. 5.
Cf. p. 49, lignes 16 et suivantes de la note.
La tradition rapportait que la famille A-che-na, dont sont sortis les kagans des Toukiue, était issue d'une louve qui s'était accouplée avec un jeune garçon de race Hiong-nou (Julien, Documents sur les Tou-1iue, p. 2-3 et 25-26). Les Tou-kiue «ornaient d'une tête de loup en or le sommet de leurs étendards et de leurs guidons; les gardes du corps s'appelaient
fou-li PI'J (= Uri en turc), ce qui signifie aussi loup en chinois; ainsi le souvenir qu'ils
sont à l'origine issus d'une louve ne se perd pas» (Pei che, chap. XCIX, p. 2 r°). — Les Sao-
kiu C77 se disaient de même descendus d'une princesse.Hiong-nou qui était devenue la
femme d'un loup (Pei che, chap. XCIX, p. 10 r° et v°).
Cf. p. 49, lignes 42-45 de la note. Dans le chap. I du Soei chou, le même événement est relaté; on y voit en outre que, trois jours auparavant, plus de dix mille hommes et femmes
de la tribu Sou ni ; :; ft des Tou-kiue étaient venus faire leur soumission à l'empereur.
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