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Documents sur les Tou-kiue (Turcs) occidentaux : vol.1 |
290 EDOUARD CHAVANNES.
qu'un kagan dont la résidence était sur les bords de l'Orkhon ne fût pas en
mesure de maintenir au-delà de l'Yaxartes des forces suffisantes pour re-
pousser l'assaut des armées musulmanes.
La tâche que Me-tch'ouo (Kapagan kagan) n'avait pu accomplir, la
Chine résolut de s'en charger quand elle eut obtenu, en 715, la soumis-
sion des Karlouk et des Dix Tribus 1). L'accession au trône de l'empereur
Hiiren-tsong en l'an 713 paraît avoir été l'origine de ce redoublement
d'activité de la politique chinoise qui se manifeste en occident par toute
une série de faits importants et qui n'a pas peu contribué à couvrir
de gloire les noms des périodes k' ai-yuen (713 741) et tien - pao
(742-755).
Les Arabes ne furent pas d'ailleurs le seul ennemi contre lequel la
Chine eut à défendre les débris de l'ancienne domination des Turcs occiden-
taux. Un autre compétiteur en effet s'était présenté en la personne du
Tibet qui, depuis qu'il avait pris la région du Koukou-nor aux T'ou-yu-
hoen en 663, avait élevé des prétentions sur la Kachgarie et l'occupa effec-
tivement, de 670 à 692. Après avoir recouvré ce territoire, les Chinois
s'efforcèrent de faire reconnaître leur suprématie dans les Pamirs qui pou-
vaient fournir aux Tibétains, passant par les vallées de Gilghit et de Yassine,
une voie d'accès en Kachgarie. C'est à travers les Pamirs que s'exerce de
715 à 750 l'action diplomatique et militaire du céleste Empire pour re-
fréner à l'ouest les Arabes et au sud les Tibétains qui convoitent tous
deux les principautés de l'Asie centrale laissées en deshérence par les
Turcs occidentaux.
Cette période de 715 à 750, qui offre un intérêt tout particulier puis-
qu'elle nous montre la Chine en relations avec plusieurs états asiatiques,
nous est assez bien connue. Outre les témoignages ordinaires des chroni-
queurs, nous trouvons en effet pour cette époque, dans l'encyclopédie Tch'e-
fou yuen koei, publiée en l'an 1013, toute une série de pièces de chancel-
lerie, requêtes de princes étrangers ou diplômes d'investiture accordés par
l'empereur, qui évoquent devant nous avec une intensité de vie singulière
les principaux personnages qui jouèrent un rôle dans ces négociations in-
ternationales; nous les entendons parler eux-mêmes; nous devinons sous
leur phraséologie stéréotypée les sentiments réels qui les animent; nous
entrevoyons dans tel ou tel détail précis comme un raccourci des intri-
gues, des alliances et des conflits qui s'élaboraient alors entre les divers
peuples que tentaient de gagner ou de conquérir les Arabes, les Tibétains
et les Chinois.
1) Cf. p. 283, n. 5.
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