CONCLUSIONS 347
Résumons et concluons. Il est déjà loisible, l'expérience le prouve, de réunir nombre d'aperçus épars sur les divers aspects du Bouddha de notre âge, et de constater que ces délinéaments dispersés au hasard des textes se coordonnent d'eux-mêmes pour composer une figure relativement vivante et d'une originalité marquée. C'est là un premier résultat dont il est sage de savoir pour l'instant se contenter : on gâterait le portrait en entreprenant de le préciser et de le compléter au gré de notre fantaisie. Assurément nous n'avons réussi à tirer de nos documents qu'une ébauche encore bien vague, et à laquelle manquent deux éléments essentiels, une description physique détaillée et une analyse psychologique approfondie. Il est bien à craindre que ces deux compléments ne lui fassent toujours défaut. Nous avons dû renoncer ci-dessus à nous représenter le « vrai visage » du Prédestiné ; nous ne tenterons pas davantage de pénétrer dans son âme, car tout ce que les Écritures trouvent à nous en dire c'est qu'elle était trop profonde pour que les dieux mêmes pussent la sonder. Qui pourrait à présent se flatter d'y parvenir mieux que ses intimes ? Résignons-nous à ne savoir de lui que le peu que l'on apprend du caractère de tout homme rien qu'à l'entendre parler et surtout à le regarder agir. C'est justement là ce que nous venons d'essayer de faire ensemble d'après les témoignages conservés. A suivre ces derniers avec notre docilité coutumière nous aurons du moins gagné l'assurance que l'esquisse tracée d'après eux reproduit bien les grandes lignes du modèle. L'historien futur qui, à la faveur de l'expérience accrue des faits sociologiques et du progrès des études indiennes, osera prendre sur lui l'écrasante responsabilité de rédiger sous sa forme définitive la citation à l'ordre du jour de l'humanité de l'une des plus hautes figures de l'histoire universelle approchera sans doute de plus près son modèle et ajoutera plus d'un trait caractéristique à ceux que nous avons réunis : il devra en retenir l'essentiel. Gentilhomme jusqu'au bout des ongles et pur de tout soupçon de charlatanisme ou de fanatisme ; doué d'une force d'âme incomparable et d'une parfaite sérénité ; moraliste austère, mais sans excès, et secourable aux autres ; libre et judicieux penseur, aussi ennemi des métaphysiques oiseuses que des superstitions vulgaires ; fondateur d'une religion tout imbue dans sa secrète désespérance de l'esprit de miséricorde, le Bouddha Çâkya-mouni a été le premier — le premier du moins dont le monde ait tout lieu de se souvenir — à dénoncer dans l'égoïsme du désir la source de la malveillance et de la haine, et à prêcher à ses semblables un infaillible remède à leurs pires misères dans la douceur d'un mutuel amour. Que n'ont-ils mieux écouté sa parole t