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0008 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 8 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000286
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6   AVERTISSEMENT

des choses déjà dites et redites ; mais ils n'ont pas été nos seuls informateurs. Même quand il s'agit d'une doctrine aussi écrivassière que le bouddhisme, une religion ne s'exprime pas uniquement dans sa littérature et par suite ne peut pas s'expliquer exclusivement épar elle. Une critique menée in abstracto de ses Écritures saintes, qu elle soit dominée ou non par quelque théorie préconçue, ne saurait en donner la pleine intelligence à ceux qui ne la comprennent pas d'enfance, mais n'en abordent que tardivement l'étude avec l'esprit déjà imprégné d'idées différentes, innées ou inculquées. Fait sociologique à multiples et profondes répercussions, son interprétation réclame encore une certaine connaissance du milieu dans lequel elle s'est développée, ainsi que des nombreuses manifestations sociales qu'elle ne manque pas de susciter (modes d'association entre les personnes, rites du culte privé ou public, procédés de propagande, formes architecturales et destination des sanctuaires, sujets de l'iconographie sacrée, objet et intention des pèlerinages, etc.). J'aurais été impardonnable de ne pas profiter sur tous ces points des travaux des indianistes, mes prédécesseurs, et notamment des progrès qu'ils ont fait faire à l'archéologie indienne. Grâce à eux les événements connus se présentent sous un jour nouveau, groupés de façon plus vivante, j'oserai même dire plus rationnelle, autour de quelques centres religieux jadis très animés et que nous voyons renaître sous nos yeux. La localisation certaine en huit places saintes, aujourd'hui bien repérées, des principaux épisodes de la vie du Bouddha ne va pas seulement nous expliquer comment leur souvenir, plus ou moins déformé, a été transmis d'âge en âge ; elle rehausse singulièrement dans l'ensemble leur caractère d'authenticité. Ainsi ramenées sur la terre et fixées à tel ou tel coin de l'Inde, les fictions les plus évidentes perdent beaucoup de leur imprécision nuageuse, tandis que les faits vraisemblables acquièrent une consistance et un relief surprenants. Mais pourquoi s'en montrer surpris ? La géographie n'a-t-elle pas toujours été le cadre déterminant de l'histoire ?

Bien que je ne me propose ici que d'esquisser une image aussi approchée que possible de la personne du Bouddha, j'ai eu garde de négliger les lueurs complémentaires qui de ces divers côtés se projettent sur la doctrine et se reflètent jusque sur la physionomie de son fondateur. Ce grain de nouveauté sera mon excuse pour avoir intercalé ce livre dans la série de ceux qui ont déjà été et qui seront encore écrits sur le même sujet ; mais qu'on veuille bien croire que je ne me fais aucune illusion sur la destinée qui l'attend. Il suffit de l'espace d'une

vie -un peu longue pour acquérir l'expérience personnelle de la loi qui régit nos vieilles et toujours jeunes études philologiques. Chaque génération à son tour s'imagine qu'en toute discipline elle poussera jusqu'à son terme la tâche entreprise : chaque génération nouvelle, en

examinant l'oeuvre qu'elle trouve sur le métier, estime qu'elle est à

refaire et s'évertue derechef à la retisser. Bien naïf ou bien présomptueux serait le philologue qui, sur une question quelconque, préten-

drait avoir dit le dernier mot ; mais heureux celui de qui ses successeurs penseront qu'il l'a fait avancer d'une étape, si courte soit-elle, sur la voie où, depuis Hérodote, les historiens de l'humanité sont engagés à la poursuite de la toujours fuyante et à jamais insaisissable certitude historique'.

A. F.