National Institute of Informatics - Digital Silk Road Project
Digital Archive of Toyo Bunko Rare Books

> > > >
Color New!IIIF Color HighRes Gray HighRes PDF   Japanese English
0104 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 104 (Color Image)

New!Citation Information

doi: 10.20676/00000286
Citation Format: Chicago | APA | Harvard | IEEE

OCR Text

 

IO2   LE CYCLE DE KAPILAVASTOU

voyant le prince s'abandonner au sommeil, elles se sont empressées de faire relâche pour imiter son exemple, et elles gisent çà et là sur le parvis à la même place qu'elles occupaient tout à l'heure. Les hauts candélabres continuent à éclairer la scène. Encore que nous ne croyions pas que les dormeuses soient au nombre de soixante ou de quatre-vingt-quatre mille, nous sommes tout prêts à comprendre que le prince, las de cette vie perpétuellement oisive et voluptueuse, se sente pris de nausée devant cet océan de chair humaine moite encore de sueur. Mais ni les suivantes ni nous ne nous en tirerons à si bon compte. Pour nos monastiques auteurs l'occasion propice s'offrait d'assouvir la haine qu'inspire toujours et partout à tout moine le piège le plus redoutable dont dispose le démon, à savoir la femme. Toute la rage que peuvent inspirer la crainte de tentations trop tentantes et l'exacerbation de désirs mal refoulés, tout le fiel qui peut s'extravaser au fond des âmes dévotes se répand en injures corrosives sur l'innocent troupeau qui n'en peut mais. Les unes, nous dit-on, bavent ; d'autres bâillent, d'autres ronflent, d'autres halettent, d'autres grincent des dents, d'autres roulent des yeux, d'autres profèrent des paroles incohérentes, certaines embrassent leur instrument de musique comme on fait d'un amant, etc. ; et toutes ces femmes, qu'on nous décrivait tout à l'heure comme rivalisant de beauté avec les déesses, maintenant échevelées, les membres disgracieusement contournés, leurs parures dispersées, laissent voir à travers le désordre de leurs vêtements les difformités et les honteuses misères de ces réceptacles d'impuretés, de ces sacs d'immondices que sont leurs corps. On peut lire également les variations vigoureuses et colorées qu'Açvagosha a brodées sur ce thème ; mais il faut renoncer à les traduire toutes, car, comme le latin, le sanskrit dans les mots brave l'honnêteté. Aussi bien nous suffit-il ici de savoir à quoi tendent ces descriptions nauséabondes, ainsi que les trente-deux réflexions, aussi moralisatrices que déso bligeantes pour le sexe féminin, que le Lalita-vistara croit devoir mettre à ce moment dans la bouche du Bodhisattva. Comme le sommeil n'est pas sans ressemblance avec la mort, le prince finit par avoir l'impression qu'il se trouve sur une place de crémation toute jonchée de cadavres. Il ne songe plus qu'à fuir au plus vite son harem transformé à ses yeux en un macabre charnier ; et sans plus attendre, il appelle son écuyer et lui ordonne de lui amener son cheval....

Est-ce pour tout de bon cette fois ? — Pas encore. En cet instant précis, l'auteur du commentaire au Djdtaka, pris à son tour d'un

scrupule, donne jour à une préoccupation non moins touchante

que celle à qui nous venons de devoir l'entrevue de Çouddhodana avec son héritier présomptif. La rebutante description du Sommeil des femmes s'encadre ainsi entre deux épisodes qu'il con-

vient d'autant moins de passer sous silence qu'ils font vibrer une corde pathétique rarement entendue jusqu'ici. Tout à l'heure