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0138 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 138 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000286
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136   LE CYCLE DU MAGADHA ET DE BÉNARÉS

quand il s'agit de décrire le bonheur, se montre d'une fécondité inépuisable dans l'invention des supplices. Bornons-nous à rappeler que, comme le savent les touristes, beaucoup de ces pénitences sont encore en usage parmi les sâdhou d'aujourd'hui, telles ces attitudes forcées dans lesquelles leurs membres s'ankylosent ; ces jeûnes compliqués qui suivent le cours de la lune, le nombre quotidien des bouchées de nourriture décroissant avec elle de quinze à une pendant la « quinzaine noire » et remontant de une à quinze pendant la « quinzaine blanche » ; ce rite afflictif dit des « cinq feux », qui assoit le patient entre quatre bûchers flambants, le soleil indien se chargeant de fournir perpendiculairement la cinquième fournaise, etc. L'intéressant est de constater avec quelle indépendance et quelle largeur d'esprit le moine bouddhiste réprouve et méprise toutes ces notions et pratiques superstitieuses. Quand, en bon disciple d'Epicure, Lucrèce fouaillera à son tour du haut de sa raison celles de notre monde méditerranéen, il saura certes mieux dire : il ne pourra pas plus librement penser.

Une autre considération, de portée non moins générale, est aussitôt suggérée par le parti qu'a cru devoir adopter la légende. Si le Bodhisattva est à ce point persuadé de l'absurde vanité de ses mortifications, pourquoi va-t-il se mettre en devoir de les pratiquer lui-même et à plus grande échelle ? Il n'y a qu'une réponse possible, celle qui nous est faite : c'est qu'il s'est pris de pitié pour l'aveuglement de cette misérable humanité, perpétuellement acharnée (tout comme si elle n'était pas déjà suffisamment malheureuse) à s'infliger des restrictions et des souffrances qui n'ont ni rime ni raison ; or il ne peut espérer lui désiller les yeux et la remettre dans le droit chemin qu'à condition d'appuyer l'autorité de sa parole de celle de son expérience personnelle. Du même coup l'on nous donne à entendre que le Sauveur indien a, lui aussi, souffert pour l'amour de nous ; et sa Passion volontaire, si cruelle que seule un Bodhisattva « parvenu à son existence dernière » est de force à la supporter, se serait même prolongée pendant six ans... Il n'en faut pas tant pour faire dresser l'oreille à un lecteur européen ; mais notre auteur passe sans insister, et il n'y a aucun danger qu'il y revienne. Le dogme de la Rédemption, tel que l'entendent les chrétiens, n'a jamais été une croyance de l'Inde, pas même de l'Inde aryanisée et pratiquant le sacrifice des victimes expiatoires. Assurément la notion des avatars, dont nous lui avons emprunté le nom, lui fut de tout temps familière, et c'est bien, croit-elle, pour sauver le monde en proie au mal et au malheur que les diverses formes de Vishnou descendent du ciel ou que les Bouddhas apparaissent sur la terre ; mais il ne lui a jamais effleuré l'esprit que ce pût être pour racheter le genre humain à leurs dépens. L'idée que pour sauver les pécheurs il soit nécessaire de répandre le sang d'un juste (et quel juste !) ne peut être pour un vrai Indien que