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0155 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 155 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000286
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L'ILLUMINATION   153

fîmes et reprendront sur nouveaux frais le cycle de l'existence terrestre... — Cycle effroyable, répond le moine, joies éphémères, bonheur illusoire : ne voyez-vous pas que le perpétuel recom-

mencement de la vie ne sert qu'à fournir un nouvel aliment à la douleur et â la mort ? — Et peut-être a-t-il raison à son tour ;

mais que demain le genre humain tout entier entre dans la communauté bouddhique, la terre sera totalement dépeuplée dans l'espace d'une génération ; et qui osera dire qu'après l'extinction de la pensée humaine il ne manquerait rien à l'univers ? Les contemporains du Bouddha s'étaient bien rendu compte de cette conclusion pratique de la doctrine du Maître : dans la destruction de l'empire de Mâra ce qu'il poursuit en définitive c'est « la fin du monde ». Nous entendrons bientôt le peuple du Magadha murmurer que « l'ascète Gaoutama est venu pour apporter l'extinction des familles ». Mâra n'était donc pas seul à protester ; et il pourrait même plaider qu'il ne représente pas seulement les intérêts les plus légitimes de l'individu, mais encore qu'il est le défenseur de la solidarité sociale, voire l'apôtre de la morale laïque contre l'égoïsme paresseux du religieux mendiant, uniquement préoccupé de son salut personnel. Ainsi qu'il le fait observer au Bodhisattva pour le détourner de ses vaines austérités « Ce que le vivant a de mieux à faire, c'est de vivre : c'est en vivant que tu pratiqueras le bien... » Remarque fort judicieuse : mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, et le plus artificieux des plaidoyers ne changera rien à un verdict prononcé d'avance et de parti pris : pour le Sangha bouddhique, comme pour toute communauté monastique, le Génie de l'Amour ne peut être que le Démon.

Libre à chacun d'en penser ce qu'il voudra : mais c'est sous ce jour on ne peut plus fâcheux que nous devrons désormais considérer le Tout-puissant dieu de notre monde, si nous voulons rien comprendre aux récits qui vont nous être faits. N'allez pas toutefois le concevoir, pour autant,, sous un aspect diabolique ou difforme : son « armée » sera composée des monstres les plus horribles, mais lui-même gardera toujours sa divine beauté. Si vous tenez à vous le représenter, il vous faudrait l'imaginer sous les traits du Lucifer romantique, tel qu'il se révèle à Eloa dans le poème d'Alfred de Vigny. Tous les artificieux discours du bel archange fatal, prince des voluptés mortelles et qui « donne des nuits qui consolent des jours », Mâra pourrait les reprendre à son compte ; mais loin de voir en lui le consolateur des pauvres humains et le dispensateur de leurs seules joies, le bouddhiste le dénonce tout au contraire comme l'auteur responsable de toutes nos souffrances et, qui pis est, de toutes nos fautes et nos erreurs. Il devient l'instigateur de toutes les mauvaises actions, l'inspirateur de toutes les coupables pensées : et de plus en plus son pompeux apparat mythologique s'efface dans les esprits pour céder la place à son aspect éthique — entendez ici : immoral. Tous ces