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0159 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 159 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000286
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L'ILLUMINATION   157

peintres ont conçu et figuré chez nous la Tentation de st Antoine, tantôt harcelé par d'épouvantables démons, tantôt allicié par des apparitions voluptueuses. Mais ceci n'est encore qu'une première et légère complication : il en est d'autres plus graves en même temps que plus insidieuses. Comme nous verrons bientôt, la Communauté des moines a réussi à protéger sa version raisonnée et quasi raisonnable de l' Abhisambodhana contre toute contamination avec la fantaisie des zélateurs laïques ; mais en revanche elle ne s'est nullement interdit de modifier à sa guise la version populaire et d'accommoder au tour de sa prédication les données d'un folklore auquel elle ne croyait qu'à moitié. D'où un brouillamini qui demande à être vigoureusement élagué si l'on veut y voir un peu clair.

A la vérité le premier tableau, et le seul qui mérite le titre « d'Assaut de Mâra », se laisse assez aisément restituer sous sa forme originale. Justement alarmé par l'imminence de l'Illumination de son ennemi juré, le Souverain de notre monde convoque ses mille fils et ses généraux et décide de mobiliser son armée : armée terrible; inouïe, invue, composée des monstres les plus affreux, langues pendantes, crocs proéminents, yeux de braise, corps difformes, tantôt sans bras et tantôt à mille bras, tantôt sans tête et tantôt à mille têtes, ou encore à têtes d'animaux féroces, etc... Spectres, larves, fantômes, diables et diablotins, gnomes et géants, korrigans, kobolds ou trolls, on reconnaît la horde démoniaque traditionnelle, celle du démon védique Namoutchi comme celle du Grand Seigneur Çiva, celle des façades de nos cathédrales comme de nos superstitions populaires : car l'imagination humaine a ses routines, même quand il s'agit d'inventer des figures de cauchemar. Vomissant des serpents et enguirlandés de crânes, transportant des montagnes et brandissant des arbres déracinés, assemblant les nuages et lançant la foudre, toutes ces créatures effroyables se ruent avec des cris de bêtes fauves sur le çramane désarmé : mais ses mérites antérieurs joints à son sentiment d'universelle bienveillance lui créent une zone de parfaite protection. Il se rit de toutes les attaques, et pas un poil de son corps (en Europe, où l'on est plus vêtu que dans l'Inde, on dirait seulement « pas un cheveu de sa tête ») ne s'en trouve agité. En vain Mâra en personne excite ses troupes innombrables. Comme Éros, il a pour enseigne un monstre marin et pour arme l'arc ; mais les flèches que ses soldats et lui font pleuvoir sur le Prédestiné voient toutes s'émousser leurs pointes qui se garnissent spontanément de fleurs : et c'est pourquoi le Kâma classique restera « le dieu aux flèches fleuries ». Enfin, de guerre las, rebutés par l'inutilité de leurs efforts, les noirs bataillons du Mal se dispersent, telle une bande de chacals quand rugit le lion ou une volée de corneilles au milieu de laquelle tombe une motte de terre. Et le récit se clôt sur une image assez saisissante : « Màra, le Malin, triste, découragé, le coeur brûlant