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0198 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 198 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000286
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196   LE CYCLE DU MAGADHA ET DE BÉNARÉS

de bêtes sauvages ; au premier plan le bateau qui sert de bac est relié à la rive par une planche d'accès. Le Bouddha a déjà passé sur l'autre bord, et deux autres religieux, ceux-ci de secte brahmanique, admirent sa puissance surnaturelle, tandis que le passeur, assis auprès de sa femme, s'aperçoit de l'énormité de sa faute et s'abandonne à son désespoir. Vous vous étonnez peut-être qu'il se désole à ce point à propos d'un refus qui ne lui a pas fait perdre grand-chose et n'a guère gêné celui qui en était l'objet. Européen que vous êtes, vous estimez que le mérite d'une aumône ou d'un bienfait se mesure à son importance intrinsèque ou au sacrifice qu'il exige du bienfaiteur ou donateur. Ainsi que tous les vieux Indiens le passeur sait mieux : il sait que le riche don du banquier aussi bien que le denier de la veuve ne sont méritoires qu'en proportion directe de la dignité spirituelle du « récipient », comme ils disaient, ou, comme nous dirions, du « vase d'élection » auquel ils sont offerts. Ce dont le batelier ne se console pas, c'est d'avoir, du fait de sa rapacité, laissé échapper l'occasion, qui ne se représentera plus, d'acquérir les mérites extraordinaires, capables de le faire renaître au ciel, que lui aurait rapportés le plus léger service rendu à .un homme assez saint pour traverser le Gange à pied sec. En manquant la chance de sa vie présente il a du même coup compromis le sort de ses existences futures : cela vaut bien que de saisissement, nous dit le texte, il tombe à terre, privé de connaissance, d'autant que l'évanouissement est une pratique des plus courantes chèz les héros des contes et des romans indiens.

LE LIEU ET LE PROLOGUE DE LA PREMIÈRE PRÉDICATION. — Cependant d'étape en étape --- car il ne faut pas abuser, et pour cause, de ses pouvoirs magiques — le Bouddha arrive un beau soir aux abords de Bénarès ; et peut-être, à sa vue, s'est-il écrié, lui aussi : « Vive la sainte Kâçî ! », comme ne manquent pas de le faire aujourd'hui tous les pèlerins : car le vieux nom du pays a subsisté dans les mémoires. Comme de règle, il attend au matin suivant pour pénétrer dans la ville ; et, sa quête faite, son bain et son repas pris, il ne s'y attarde pas davantage, mais va droit à l'ermitage où s'était retirée la bande des Cinq. Ce lieu, nous le connaissons : il s'appelle aujourd'hui Sarnâth et se situe à six kilomètres au nord de Bénarès. Il est resté marqué jusqu'à nos jours par un grand stoupa surélevé qui continue à porter, déguisé sous l'abréviation de Dhamekh, son vieux nom de Dharma-râdjikâ, c'est-à-dire de fondation religieuse due au Dharma-râdja ou « Roi de la Loi », le surnom que son zèle de bâtisseur de sanctuaires bouddhiques avait valu à l'empereur Açoka. Les fouilles persévérantes du Service archéologique de l'Inde ont dégagé tout alentour quantité de sanctuaires et de couvents dont les dates s'échelonnent sur quinze cents ans : car le site n'a été ruiné par l'invasion musulmane qu'à la fin du xne siècle. En temps de famine la main-d'oeuvre était si nombreuse et si peu chère que le