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0282 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 282 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000286
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280   LES CYCLES MINEURS

son cadavre dans le Djêtavana sous un tas de guirlandes fanées, aux abords mêmes de la cellule du Bienheureux : après quoi il ne leur reste plus qu'à signaler sa disparition à la police royale. Ils ont tôt fait de retrouver le cadavre et de promener sur une civière à travers les rues de Çrâvastî cette preuve indéniable de la luxure du soi-disant Bouddha et du zèle excessif avec lequel ses disci-. pies ont, pour cacher sa faute, ôté la vie à la partenaire de ses débauches. Mais le triomphe des Hétérodoxes est de courte durée. Ils n'ont oublié qu'un point, c'est que leur stratagème n'a pu se passer de complices. Sitôt leur pourboire touché, les assassins n'ont rien eu de plus pressé que de courir à la taverne ; une fois ivres, ils se sont querellés sur le partage de leur salaire et se sont mutuellement jeté à la tête tous les détails de leur forfait. La police l'apprend ; le Bouddha est innocenté et les exécuteurs comme les instigateurs du complot punis : car il y a parfois une justice dès ce monde.

Ne vous croyez pas encore quittes avec les infatigables conteurs que sont les moines bouddhistes. Le moment vient où ils se mettent à classer et à rédiger leurs souvenirs traditionnels. Dans l'anecdote de Tchintchâ (et c'est à quoi nous devons de l'avoir conservée) ils voient un excellent préambule à mettre en tête du récit d'une et même de plusieurs des vies antérieures de leur Maître : car rien n'arrive guère à celui-ci qui ne lui soit déjà arrivé jadis. A cette occasion encore le Bienheureux aurait dit à ses moines : « Ce n'est pas la première fois, ô mendiants, que cette femme m'a calomnié », sur quoi on lui met dans la bouche, entre autres contes, celui du prince Mahâpadma, qu'il est bien inutile de répéter en français, car nous le connaissons tous d'avance ; c'est l'aventure d'Hippolyte avec Phèdre ou, si vous préférez, de Joseph avec la femme de Putiphar. Voilà qui va bien : mais la théorie du karma est une arme à deux tranchants et qui peut se retourner contre qui la manie. On en vint à croire que le Bouddha lui-même ne . lui échappait pas de son vivant. Puisqu'il a été ainsi persécuté par ses ennemis, c'est donc qu'il avait mérité de l'être ; et tel texte postérieur n'a pas reculé devant cette conclusion qui, à nous profanes, apparaît comme pis qu'un crime de lèse-majesté, un' véritable sacrilège. Froidement il fait reconnaître par le Bienheureux en personne que les accusations calomnieuses dont il a été l'objet sont la juste sanction d'une faute pareille commise par lui au temps d'une de ses existences passées : étant ivre, il avait jadis calomnié un saint. Telle est la lointaine répercussion de nos actes, à laquelle seul le Nirvâna peut mettre un terme : tel est aussi l'enchaînement sans fin des fables édifiantes qui se greffent les unes sur les autres, sans autre limite que la patience du lecteur. Comme il arrive toujours dès qu'on tire sur le fil d'un conte bouddhique, il en vient un écheveau.

Ce n'est pas tout encore. Rabâcher et combiner ensemble de vieilles histoires est bien : paraître les authentifier en les localisant