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0348 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 348 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000286
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346   CONCLUSIONS

constitution même (ou, pour mieux dire, son absence de constitution) rendait ingouvernable : il n'y réussit qu'en vertu de son;autorité personnelle. Son prestige s'impose à tous, et d'ordinaire suffit à réprimer tous les écarts de conduite comme à apaiser toutes les querelles. Une fois seulement, nous l'avons vu, sa conciliante intervention échoue : il avait été averti trop tard et le conflit s'était envenimé ; alors sa dignité offensée le détermine à se retirer dans la solitude où il n'attendra pas longtemps le repentir des égarés. Sans doute il a voulu être et il a été plus aimé que craint : mais la profonde bienveillance dont il est animé à l'égard de tous les êtres n'a rien d'un humanitarisme bêlant. Sa compassion pour l'humanité souffrante est celle d'un chirurgien pour son patient ; elle n'entrave en rien la sévérité des interventions nécessaires. Sur tout ce qui touche au salut, il se montre inflexible. Il a même pu paraître impitoyable quand il achève de briser le coeur, du même coup que les espoirs dynastiques de son vieux père, en enrôlant d'autorité dans son Ordre son demi-frère Nanda et son propre fils Râhoula, à peine âgé de six ans. C'est que sa confiance dans le bien-fondé de sa doctrine n'a d'égale que sa maîtrise de soi. Irons-nous jusqu'à l'accuser d'avoir eu une âme de dictateur ? Ce serait prétendre le connaître mieux qu'il ne se connaissait lui-même ; car au cours de sa dernière maladie il se défend auprès d'Ananda d'avoir jamais prétendu régenter sa Communauté ; et ailleurs encore il assure qu'il n'ordonne pas : « il suggère ». Cela lui plaît à dire ; mais plus d'une fois il se dément. Il n'est pas jusqu'au tour pragmatique qu'il impose d'emblée à son système qui ne dénonce ses propensions réalisatrices, et le besoin qu'il éprouve de passer à l'exécution et d'obtenir des résultats dans l'immédiat. Quand il raille sans pitié ies idéologues, est-ce lui ou Napoléon qui parle ? Quand il déclare : « La loi, c'est moi », est-ce lui ou Louis XIV que l'on en-

tend ? Rappelez-vous avec quelle hauteur méprisante — lui, si courtois d'ordinaire — il rejette l'idée de se démettre en faveur de

son cousin Dêvadatta de la direction du Sangha. A la vérité, sen-

tant sa dernière heure approcher, il daigne donner l'autorisation d'abolir au besoin les articles mineurs de sa Règle : c'est là toute

la concession qu'il puisse consentir aux nécessités éventuelles de

l'avenir ; et quand il refuse tout net de se désigner un successeur, comment ne pas se souvenir d'Alexandre ? De toute évidence il

fut un chef : il a même été légitimement appelé « le chef qui n'a

pas de chef ». Ainsi à sa distinction naturelle et acquise, à son soin des bienséances, à son constant souci de la correction et de

la mesure vient s'ajouter un impérieux penchant pour l'action et

le goût du commandement. La façon dont tous ces traits s'harmonisent spontanément n'a rien qui doive surprendre ; avant

d'être transfiguré par l'idolâtrie de ses sectateurs en moine-dieu, Çâkya-mouni se devait à lui-même d'être de son vivant le type accompli du moine-gentilhomme.