| LA RÉGION INDO-IRANIENNE 359 la partie la moins indienne de l'Inde. Sr surprenant que cela puisse paraître, cette terre du Panjâb où les immigrants aryens se sont dès l'abord établis en masse, dont les puissantes rivières ont été tant célébrées par les chantres vêdiques et qui eût dû en bonne logique rester la terre sainte du brahmanisme, Manu la condamne comme impure, et aujourd'hui encore les Hindus orthodoxes répugnent à y résider : car l'Âryâvarta ne commence pour eux qu'en deçà du Satlej. Et qu'à cette notion de notoriété publique on ne vienne pas opposer les indications contraires de tous les atlas, ni non plus la localisation par Hivan-tsang au Lampaka (Laghmân) de la frontière de l'Inde. C'est là de sa part, nous l'avons reconnu, une théorie parfaitement défendable du point de vue de la géographie physique et même politique : ce n'est pas une information fondée sur son expérience d'explorateur. Si vous désirez une impression de voyage toute pure, c'est à Fa-hien qu'il vous faut la demander, et il vous la donnera sans équivoque. Pour lui, c'est à « quatre-vingts yojana » à l'Est de l'Indus, aux confins du bassin du Gange, qu'il a le sentiment de rencontrer enfin l'Inde véritable, celle du « Pays-du-Milieu » (Madhya-dêça), et qu'il croit devoir en esquisser une description générale, notice que, grâce à son érudition livresque infiniment supérieure, Hivan-tsang reprendra avec beaucoup plus d'ampleur et placera dans la composition de sa Relation juste avant son entrée dans l'Inde du Nord (2) . Mais, ne craignons pas de le répéter, aucune vue théorique ne saurait prévaloir contre le témoignage ingénu d'un observateur; et la vérité, au Ive siècle comme au xxe — l'expérience est facile à refaire — c'est que pour quiconque descend du Nord-Ouest par la Grand Trunk Road, l'Hindûstân proprement dit ne commence ni à Peshâwar, ni à Lahore, ni même à Delhi, mais seulement à Mattra, la « Mathurâ des dieux » de Ptolémée. D'autre part, la portion de l'Irân déjà qualifiée d'orientale par Darius Ier n'a gardé, il faut l'avouer, même à Kandahâr et à Kâbul, que de faibles traces de son antiquité indienne : elle n'en présente pas moins un contraste accusé avec les provinces persanes du Fars et de l'Irâk-Ajemi. Si les Hazâreh se sont faits comme les Persans sectateurs d"Alî, en revanche les « Berberi » limitrophes de la Perse (Jamshidî, Taïmanî et Firuzklioi) sont de farouches sunnites ainsi que le reste des Afghans. Par ailleurs, les grands centres de culture se font plus rares ; les manières et les moeurs sont restées plus rudes, mais aussi plus viriles; les coutumes se sentent davantage du nomadisme ancestral; les dialectes persans que l'on parle, teintés d'archaïsme, n'ont ni la même prononciation ni tout à fait le même vocabulaire, mêlés qu'ils sont dans l'Est d'hindûstânî (3). Ici encore l'expérience est facile à renouveler, et nous avons assez pu constater par nous-mêmes à quel point un secrétaire amené de Téhérân peut se sentir dépaysé à Kâbul. |