National Institute of Informatics - Digital Silk Road Project
Digital Archive of Toyo Bunko Rare Books

> > > >
Color New!IIIF Color HighRes Gray HighRes PDF   Japanese English
0308 La Vie du Bouddha : vol.1
La Vie du Bouddha : vol.1 / Page 308 (Grayscale High Resolution Image)

New!Citation Information

doi: 10.20676/00000286
Citation Format: Chicago | APA | Harvard | IEEE

OCR Text

 

306   LES CYCLES MINEURS

le parallèle ainsi établi entre le dernier repas avant la Sambodhi et le dernier repas avant le Parinirvâna. Puisque l'offrande de l'artisan Tchounda était aussi méritoire que celle de la bergère Soudjâtâ, on voulut également qu'elle ait été aussi agréable au goût, et l'on chargea les déités- de lui instiller une saveur exceptionnelle. Il ne se pouvait pas dès lors qu'une nourriture aussi délicieuse se révélât nocive et du même coup s'affirmait la tendance à exonérer Tchounda de toute culpabilité. Si le Bienheureux n'avait guère survécu à son invitation à dîner, la faute en était à la décrépitude de l'âge ; et comme d'autre part on.ne lisait dans les vieux traités de Discipline aucune interdiction absolue de l'usage de la viande ou du poisson, on ne voyait aucune raison de contester ni aucun moyen de modifier une tradition tant de fois séculaire. Ce coup d'audace était réservé à notre époque, fertile en gens plus royalistes que le roi. En Amérique, au temps de la « prohibition », n'a-t-on pas entendu des ministres déclarer du haut de la chaire que le jour des noces de Cana, au lieu de changer miraculeusement l'eau en vin, « le Christ aurait bien mieux fait de se tenir tranquille » ? Il s'est de même trouvé en Europe des exégètes du bouddhisme pour interdire rétrospectivemeg t au Bouddha d'_avoir à son dernier repas mangé de la viande, et surtout de la viande de porc : cela leur paraissait par trop choquant de la part du héros de leurs études favorites. Le pis est qu'un recours au texte, loin de trancher la question, n'aboutit qu'à déconcerter les philologues. S'il était écrit, comme on s'y attendrait, soukara-maddanam, le sens ne pourrait être que « hachis de porc » et l'affaire serait réglée. Mais les manuscrits portent somaddavam. Toute l'Asie bouddhique — les Chinois, grands amateurs de cochon laqué, plus aisément que les Indiens — a consenti de mémoire d'homme à entendre par là, à la mode allemande, quelque « délicatesse de porc », saucisse ou autre forme de charcuterie. Fi donc ! Entre gens bien élevés il ne peut être tout au plus question que d'un « régal de porc », c'est-à-dire d'un certain champignon, ou encore d'une de ces racines bulbeuses dont cet animal fouisseur se montre friand : et c'est en effet ce que permet à la rigueur de comprendre une autre façon non moins gramrriaticale d'analyser ce composé. Dans la première édition de la traduction anglaise (1891) le Bouddha meurt encore pour avoir mangé de « la viande de sanglier séchée », ce qui est déjà un peu moins malsonnant ; dans la seconde (1910) cette viande de conserve a cédé la place à un plat de truffes, ce qui n'est peut-être pas moins indigeste, mais est beaucoup plus avouable. Et aussitôt quel soulagement, non seulement pour les végétariens scrupuleux et les amis de la bienséance, mais encore pour les fidèles bouddhistes, toujours exposés de ce chef aux injurieux brocards des incroyants ! Grâce à la diffusion mondiale de la pruderie anglo-saxonne, il y a fort à parier que cette nouvelle interprétation finira par devenir parole d'évangile et par sup-