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0035 Inscriptions de l'Orkhon : vol.1
Inscriptions de l'Orkhon : vol.1 / Page 35 (Grayscale High Resolution Image)

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doi: 10.20676/00000225
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— XIX

honneur et se contenta d'être le commandant en chef de l'armée. Moguilaine nourrissait des projets belliqueux contre la Chine; mais il s'en laissa dissuader par son conseiller Touniouigou, qui était septuagénaire. Le khan ayant de plus exprimé l'intention de faire élever un mur autour de sa résidence, et ériger ges temples à Bouddha et à Laotsé, son conseiller se prononça d'une manière très significative en disant:

»Le peuple doulgase (e. a. d. les Toukioux) n'atteint pas en nombre la centième partie de la population de la Chine, et si, malgré son infériorité numérique, il a pu résister à cet empire, la raison en est que les Doulgases, ne recherchant que de l'herbe et de l'eau, n'ont d'autre intérêt que la chasse, et n'ont pas de demeure fixe, mais ne s'exercent qu'au métier de la guerre. Quand ils sont en force, ils marchent en avant; mais lorsqu'ils sont trop faibles, ils reculent et se cachent. L'arméè de la dynastie de Tan au contraire est nombreuse mais faible; elle demeure dans les villes et en cas de défaite elle ne peut échapper à la captivité. Les doctrines de Bouddha et de Laotsé d'ailleurs engendrent la charité et la faiblesse, je veux dire qu'elles rendent les hommes impropres à la guerre et les affaiblissent**.

Il n'est pas dit expressément, que l'Ordo des Doulgases continua de n'être pas fortifié, mais ce; discours, qui renfermait des conseils adressés au khan, fait supposer qu'il en fut ainsi. Cette place était probablement située dans la steppe qui s'étend entre le lac Tsaidam et le Kokchin-Orkllon, od plus tard les deux premiers monuments furent érigés. Le khan suivit donc une politique de paix envers la Chine, et envoya à l'empereur une ambassade pour solliciter la paix. Mais le fils du Ciel, doutant de la sincérité de cette demande, déclara la guerre et fit marcher contre lui une armée de 300 mille hommes. • Cette guerre se termina toutefois à l'avantage des Doulgases, parce que, d'une part, la désunion qui régnait entre les différents corps d'armée, les empêchait de se soutenir mutuellement avec vigueur, et que, d'autre part, il survint un froid intense, qui fit crever la peau des arcs dont les Chinois étaient armés; c'était en l'année 720. La victoire remportée par les Doulgases les rendit encore une fois redoutables, à tel point qu'ils parvinrent à donner à leur empire la même étendue qu'autrefois, du temps de Motchio-khan. Cet état de choses ne changea en rien les vues pacifiques du khan, il continua de solliciter instamment la paix, en promettant de témoigner au fils du Ciel le même respect qu'un fils doit à son père. L'empereur ayant donné son assentiment, le khan envoya plusieurs années de suite dans la capitale de la Chine une ambassade, chargée d'y apporter des produits de la terre et en même temps de demander en mariage une des dames de la cour impériale. Là on ne pouvait se sentir tranquille à l'endroit des Doulgases. Ce qui surtout inspirait des inquiétudes, c'était que le khan, qui avait un exellent caractère

* Le Bouddhisme avait toutefois été introduits parmi les Toukioux déjà sous le khanat de Tobouse (572-581).

et aimait son peuple, son illustre général Kiouïé-Délé et son sage vieux conseiller Touniouigou, vivaient en parfaite intelligence. Le projet d'un voyage aux monts Thai-chan, que le fils du Ciel voulait entreprendre pour y offrir un sacrifice, fut indéfiniment ajourné, afin que les Doulgases ne pussent pas profiter de l'absence de l'empereur pour faire une invasion dans ses états. A cet effet on résolut d'engager l'un des principaux chefs doulgases à entrer dans la garde impériale, et un seigneur de la cour fut chargé de porter personnellement ce désir de l'empereur à la connaissance du khan. Moguilaine donna ordre d'offrir du vin au porteur de ce message, et ayant pris place dans la tente avec son épouse, en compagnie de Kioulé-Délé et de Tounionigou, il adressa à l'envoyé de l'empereur les paroles suivantes:

»Toufan descend d'un race de chiens, et malgré cela la dynastie Tan n'hésite pas à s'allier avec cette famille par un mariage. Hi et Kidan sont mes esclaves et mes sujets, et ont eux aussi pour femmes des princesses. La maison des Doulgases a déjà à plusieurs reprises voulu contracter une alliance conjugale avec la vôtre, mais cette demande n'a pas été accueillie favorablement de votre part, pour quelle raison*?

»Khan«, répondit l'envoyé, »tu es un fils du fils du Ciel; comment un fils pourrait-il entrer en rapport de parenté matrimoniale avec son père«?

»Ce que vous dites n'est pas vrai«, s'écria Moguilaine, »les deux vassaux, que je viens de nommer, ont aussi été gratifiés du nom de la dynastie régnante — ce qui veut (lire selon les idées chinoises, qu'ils sont devenus membres de la même famille — et néanmoins ils ont épousé des princesses. Pourquoi ne nous accorde-et-on pas la même faveur? D'ailleurs les princesses que l'on donne en mariage, ne sont pas filles de l'empereur, et on ne nous laisse pas la liberté de choisir. En sollicitant plusieurs fois une chose sans l'obtenir, .nous nous exposons à la risée des autres chefs«.

L'envoyé promit sur l'honneur d'engager l'empereur à satisfaire au désir du khan. Moguilaine dépêcha en même temps, à la cour un grand personnage avec des présents, et celui-ci accompagna l'empereur dans le susdit voyage aux monts Thai-chan, où le sacrifice put ainsi s'accomplir en toute sécurité. Après cette solennité l'empereur traita l'envoyé du khan généreusement, et le combla de présents avant de le congédier. Mais pour ce qui concernait la paix et les liens de parenté, le fils du Ciel ne daigna pas y consentir. Cela n'empêcha pas que le khan ne continuât d'envoyer chaque année un ambassadeur à la cour. Dans ces conjonctures les Toufanes, qui avaient adressé à ce sujet une lettre au khan (écrite sans doute en langue thibétaine), tentèrent de le décider à s'unir à eux, pour exercer le brigandage sur les frontières de la Chine. Moguilaine s'y refusa et envoya leur message à l'empereur, qui finit de la sorte par se convaincre de la sincérité des sentiments pacifiques du khan. Un commerce d'échange s'ouvrit alors entre la Chine et les Doulgases, qui reçurent dès lors un cadeau annuel de plusieurs milliers de pièces d'étoffes eu soie.