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0019 Inscriptions de l'Orkhon : vol.1
Inscriptions de l'Orkhon : vol.1 / Page 19 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000225
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Ce n'est d'ailleurs pas non plus une contrée déserte que nous parcourons, en suivant la grande route qui mène d'Ourga à Oulia-Soutai, et ce qui nous avertit que c'est la route principale, ce sont les longues files de boeufs, qui transportent sur de petites charrettes du thé et d'autres produits de la Chine jusqu' aux lieux de marché plus ou moins éloignés dans la région occidentale de la Mongolie. Nous devançâmes aussi quelques caravanes de chameaux, qui s'étant mis en marche après les fêtes d'Ourga, s'en retournaient à Kobdo ou autres localités situées dans les monts Altaï. L'une de ces caravanes fit en passant un pélérinage au couvent d'Erdentzo, avec lequel nous ferons aussi connaissance plus tard. Nous rencontrions encore sur la route de temps en temps un pélerin qui faisait tourner son moulin à prières. D'autres fois c'étaient des Mongols, qui passaient rapidement à cheval à la suite de quelque mandarin chinois, et qui portaient des envois de la poste ou bien des documents officiels.

Les yourtes des nomades mongols étaient fort inégalement disséminées dans ces campagnes, ce qui s'explique par la plus ou moins grande quantité d'eau potable. Pendant deux ou trois journées nous cheminâmes à travers des contrées oit il n'y avait pas même des puits que, dans d'autres endroits, on a pourtant réussi à creuser pour les besoins des voyageurs; aussi fûmes-nous obligés une fois d'emporter pour la nuit un vase en bois rempli d'eau. A d'autres places, 'là où coulait un ruisseau, on apercevait des dizaines de yourtes tout près l'une de l'autre; leurs bestiaux ne formaient qu'un seul grand troupeau. Ces endroits-là se distinguaient par une mendicité exercée avec- succès.. Tous ces gens avaient un air terriblementmalpropre, ce qui n'est pas étonnant, vu que les Mongols ne nettoient jamais ni leur personne ni leur vêtements. Dans le recueil des lois de Tchingis-Khan tout lavage parait être sévèrement défendu comme étant contraire à la volonté des dieux, et les adolescents allaient encore tout nus. A peine avions nous, au milieti du jour, pour nous abriter contre le soleil, et, le soir, pour nous reposer pendant la nuit, fini de dresser notre tente thibétaine, c. à. d. à faîtage, achetée à Ourga pour le prix de 80 briques de thé, qu' une femme, portant sur le dos un panier rempli d'argal, venait ordinairement nous offrir son combustible en échange de quelques morceaux de viande ou d'une pincée de tabac. En général ces Mongols avaient des manières singulièrement humbles.

On ne peut en dire autant des milans, qui tournoyaient en grand nombre au-dessus de chacune de nos yourtes. Ces oiseaux, inviolables aux yeux des Mongols, étaient si hardis, que souvent dans leur vol ils vous arrachaient un- morceau de viande de la main, si par hasard vous étiez assis à quelque distance de votre tente. Parcontre les marmottes, et il y en avait une multitude dans la steppe aux endroits éloignés des yourtes, étaient beaucoup plus timides. Parfois aussi une

Rosa (nt aanncnaxs aanaAno-c116apcxaro ors,taa N. P. 1'. O61g. RB. V) Osicxs 1883, s. 184-196.

troupe de chèvres sauvages, d'antilopes, quelque cerf ou des loups passant rapidement à travers la steppe, venaient animer le paysage. Ces derniers et les voleurs de chevaux étaient ce qui inspirait le plus de frayeur à nos Mongols; c'est pourquoi nous tirions de temps à autre quelques coups de révolvers, afin de tranquilliser les uns et d'effrayer les autres. Une nuit six de nos chevaux s'échappèrent, et nous pensions d'abord qu'ils avaient été enlevés par des voleurs; mais après un jour de recherches nous les retrouvâmes, et il fut reconnu que, profitant d'un moment où ils n'étaient pas surveillés, ils avaient pris la fuite malgré leurs entraves, pour être délivrés des moucherons qui les tourmentaient. Cet incident eut lieu pendant une halte sur les bords de la Tola. — Pour l'ordinaire nous achetions tous les trois jours un mouton au prix de 3 lan, qui valent à peu près 3 roubles 25 copecks en argent russe, monnaie que l'on recevait presque toujours sans la peser *. Le rouble d'argent était au reste la seule monnaie russe que les Mongols acceptassent en paiement, et je m'étais à cet effet procuré déjà à Irkoutsk une assez grande quantité de pièces de cette espèce. Sans cela de l'argent non monnayé aurait pu rendre le même service, -mais alors on aurait été obligé de le peser chaque fois. On aurait bien souvent préféré recevoir du thé en brique pour le paiement des moutons, mais il aurait failu une paire de boeufs exprès pour transporter une quantité suffisante de cette monnaie »spartiate» pour ainsi dire. Pendant le voyage le principal repas avait lieu le soir, et se composait pour l'ordinaire d'une soupe avec de la viande de mouton et du thé; le matin, avant de partir, et pendant les haltes au milieu de la journée, on ne prenait presque jamais autre chose que du thé avec du biscuit de pain de seigle, quelquefois aussi un mets préparé avec des conserves etc. Trois ou quatre fois seulement il nous arriva de nous coucher et de nous remettre le lendemain en route sans avoir rien mangé, parce que nous n'avions pas trouvé d'eau propre; c'était pour nous une grande contrariété puisque notre seul repas substantiel, nous le faisions vers le soir. Les Mongols, de même que notre conducteur russe, mêlaient à leur thé du gruau de »proza», et mettaient dans leur soupe des morceaux d'une pâte qu'ils roulaient avec le manche de leur fouet et sur leur sale pelisse; ils faisaient cuire leur soupe et leur thé dans une seule et même marmite, qu'ils ne nettoyaient jamais.

La plus grande des difficuités que nous eûmes à surmonter dans notre marche, se présenta au passage de la-Tola. Quand nous atteignîmes le bord de cette rivière, le 9 Août, vers le milieu du jour, plusieurs caravanes étaient déjà campées là. C'est que, depuis onze jours, le passage était devenu impraticable par suite des pluies qui avaient fait déborder la rivière. Celle-cil dans les circonstances ordinaires, coule dans un seul lit; mais dans ce moment elle était partagée en deux bras, entre lesquels émergeait une fie basse. Cependant

* La graisse de la queue nous servait d'enduit pour nos bottes; d'autrefois elle était mangée par nos Mongols, pour qui c'est une délicatesse; dans les anciens temps on la déposait même dans les tombeaux.

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