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0034 Inscriptions de l'Orkhon : vol.1
Inscriptions de l'Orkhon : vol.1 / Page 34 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000225
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— x.VIII —

Toukioux. Nous nous contenterons d'en citer seulement le passage qui se rapporte au sujet de ce chapitre. On s'y exprime comme suit:

»Le corps du défunt est placé dans la yourte, devant laquelle les enfants et autres parents du défunt des deux sexes déposent en offrandes des chevaux et des moutons qu'on a tués. Ils font à cheval six fois le tour de la tente, en se tailladant le visage avec un couteau, de telle façon que leurs larmes se teignent de sang. Au jour fixé d'avance ils brûlent le cadavre, avec son cheval et tous les objets qui ont appartenu au défunt; puis on recueille toutes les cendres, que l'on dépose dans la tombe à une certaine époque de l'année. Celui qui est mort au printemps ou en été est inhumé en automne, quand le feuillage a commencé à jaunir et à tomber des arbres; si la mort a eu lieu en automne ou en hiver, l'enterrement se fait au temps de la floraison. Au moment de l'inhumation les parents immolent des victimes, comme auparavant après le décès, et se font des coupures au visage. On place la statue du défunt dans une baraque construite à côté de la tombe, et qui contient en outre un récit détaillé des combats auxquels il a pris part; on pose là encore des pierres, dont le nombre égale celui des ennemis que le défunt a abattus, et s'élève de la sorte parfois jusqu'à 100 et même jusqu'à 1000*. Après l'inhumation on sacrifie encore des moutons et des chevaux, dont les têtes sont ensuite plantées sur des piquets. Ce jour-là hommes et femmes se rassemblent au lieu de sépulture, dans leur plus bel accoutrement». — »Les Toukioux ne se servaient pas des caractères de l'écriture chinoise, mais ils en ont qui leur sont propres, et dont les signes ressemblent à ceux des autres peuples Hous c. à. d. Turcs. Avant l'introduction de l'écriture on marquait le chiffre des hommes appelés sous les armes, des chevaux et autre bétail, ainsi que celui des impôts, par des incisions faites aux arbres. Des flèches dorées à la pointe et des sceaux tenaient lieu d'ordres écrits* **.

L'histoire de la Chine parait ignorer qu'il y a eu des rapports entre les Toukioux et la cour de Constantinople. L'historien Téophane est ainsi le seul, dans lequel nous lisons une relation détaillée de l'ambassade déléguée par l'empereur Justin chez les Toukioux, pour reconduire les députés que le khan avait précédemment envoyés vers lui. On sait que cette légation, à la tête de laquelle était Zémarchus, se mit en route l'an 569. Elle raconte dans son rapport, entre autres choses, que le siège du khan était placé sur deux roues; qu'il y avait là une multitude de tentes magnifiques etc. ***.

Il est d'ailleurs à supposer, que l'introduction de l'écri-

* Conf. Schafarik, Slaviache Alterthtlmer, vol. I, p. 518.

** Voir aussi dans J. Klaproth, Asia polyglotta p. 166. A. Rémusat, Recherches sur les langues tartares vol. 1eL p. 65. Le père Hyacinthe se trompe évidemment en pensant, que par caractères toukionennes il faut entendre l'écriture ouigoure-mongole (lamine, Heropis etc. I: 271, note 1).

*** M. A. Castrén, Resor och forskningar, vol. IV, p. 66-68.

ture chez les Toukioux date tout au moins de cette époque, c. à. d. du milieu de 6e siècle, où leur empire fut fondé. Les signes extérieurs de cet honorable progrès étaient sans doute les Yeaµµasa, dont l'explication nécessitait à Constantinople le secours d'un interprète spécial *.

Le nombre des guerriers chez les Toukioux se Montait à un million, et constituait une armée redoutée même des Chinois. Aussi leur khan jouissait-il du rare privilège de s'asseoir sur un trône à côté de l'empereur. Mais cet honneur ne suffisait par encore à l'ambition des Toukioux. Ils firent subir à la Chine, par des guerres fréquentes, plusieurs autres humiliations et lui imposèrent d'énormes contributions, soit en or, soit d'une autre nature. Après l'année 620, comme nous l'avons (lit, l'Ordo (résidence) des Toukioux orientaux à Douguine, au Nord d'Ordos, fut transportée au pays de Hangaï ** et ce fut à la même époque environ, que l'empereur de ]a'CTtine se laissa appeler leur vassal. Bientôt après le khan fut fait prisonnier, et 100 mille de ces sujets se soumirent à la Chine, dont l'ancienne suprématie fut ainsi rétablie. Cependant vers l'an 700 apparaît de nouveau un khan puissant, nommé Motchio, qui met en déroute de fortes armées chinoises, et redonne à l'empire l'étendue de 10 mille li. ceil avait eu lors de sa fondation 150 ans auparavant. A l'Orient, les dynasties de Kidan et de Hi sont réduites à l'obéissance par les Doulgases, et à l'Occident ils s'avancent jusque dans la Perse; leur khan, enivré *de gloire, projette de marier sa fille à l'héritier présomptif. du Céleste empire. Mais peu de temps après la grandeur (les Toukioux commença à décliner; néanmoins ils ne cessèrent pas d'être une puissance redoutable, dont la Chine recherchait l'amitié, en voyant qu'elle ne parviendrait jamais à écraser sa rivale.

Telle est la cause générale qui sert àt expliquer l'érection des deux premiers monuments; mais comme elle eut lieu sous le règne du khan Biguai Moguilaine ou aussitôt après, nous allons entrer dans quelques détails, qui nous feront découvrir les causes particulières de l'événement en question.

Biguai-khan Moguilaine régna de l'an 716 à l'an 734. I)'un naturel doux, et sentant sa faiblesse, il offrit la couronne à son frère plus énergique, Kiouié-Délé *** mais celui-ci refusa cet

* Voir encore sur ce point dans Le Revue numismatique, 4e Série, Tome IXe , Paris 1891, l'article intitulé: Sur quelques monnaies turco-chinoises des VIe, VIII et VIIIe siècles, par E. Drouin, qui attribue a l'écriture des Toukioux du Tourkestan et de la Sémiretchie une origine araméïenne. — A ce sujet il nous suffit de rappeler, que l'on connaît déjà an moins 4 inscriptions en caractères iénisséïens, trouvées dans la • région du lac Tsaisan, sur les limites de la Chine et des provinces de Semipalatie et de Semiretchie, et découvertes en 1889 par un savant de Moscou, Mr A. A. Ivanovski. Cependant nous devons ajouter que les copies de ces inscriptions sont faites à la main.

** Iaamio, llcropin etc., I, 293 et Klaproth, Tableaux historiques p. 118 rapportent que „quelques dizaines d'années auparavant un vice-khan alla camper sur les rives de la Toula.

*"*Télé ou Délé était le titre donné aux fils on aux frères du souverain et marquait le second rang. I. lamine, llcropis etc. I, 267, note 3 et p. 268.