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0224 Mémoires Concernant l'Asie Orientale : vol.1
Mémoires Concernant l'Asie Orientale : vol.1 / Page 224 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000249
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LES IMAGES INDIENNES DE LA FORTUNE   135

Force est donc de nous retourner de ce même côté et de chercher si la Çrî indienne n'a pas, comme l'Ardochsho iranienne, emprunté à l'art classique sa première incarnation et ses premiers attributs certains. A la vérité ces éléments hellénistiques ont été dès l'abord mis au service de la déité populaire la plus en faveur dans le Nord-Ouest de l'Inde. Grâce a son double emploi de dispensatrice de la fécondité et d'épouse du génie des richesses, Hâritî a tout de suite accaparé à la fois le type de Déméter et celui de Tychè. C'est « à Cybèle ou à quelque divinité analogue » que, dans un article mémorable du Journal Asiatique', M. Senart a d'abord songé devant une sorte de Déesse Mère découverte à Sikri en i 889 : car a cette époque les textes et les monuments ne nous avaient pas encore révélé la prestigieuse popularité de l'ancienne Ogresse de la Variole. C'est une Mirai, déguisée en Tyché, que nous devons aujourd'hui reconnaître à sa corne d'abondance, non seulement sur les figures 3 et 4, mais sur la planche LXIII, sinon même sur les monnaies des Guptas et enfin sur celles du Kaçmîr, où le type, de plus en plus méconnaissable, achève de se dégrader et finit par s'abolir.

C'est à ce moment que, par un de ces curieux retours fréquents dans l'art comme clans la mode, le vieux motif de la femme aux lotus et aux éléphants, depuis si longtemps relégué dans le magasin des accessoires hors d'usage, retrouve soudain son emploi dans les hypogées et les temples de l'Inde occidentale et méridionale : mais désormais il décore les parois de sanctuaires brahmaniques et n'a d'autre objet que de figurer la déesse Lakshmî. On ne sera pas autrement surpris qu'après une pareille éclipse de cinq ou six siècles, il ait si complètement perdu sa destination première et sa signification originale. Aussi bien, comme nous en avons déjà fait la remarque, la transposition de Maya en Lakshmî peut à la rigueur s'expliquer sans trop de peine. Contre ce transfert de sens, avec lequel s'accordait parfaitement tant la beauté de l'héroïne que l'allégorie du lotus, les éléphants seuls auraient pu soulever quelque objection ; mais du moment que les sculpteurs hindous reprenaient 'à leur compte le motif hérité des vieux imagiers bouddhiques, les deux pachydermes arroseurs devaient forcément passer clans le lot ; et enfin, parmi ce peuple si soucieux de pureté rituelle, sur cette terre toujours assoiffée où l'eau est synonyme de vie, comment le ruissellement lustral de cette douche intarissable ne se serait-il pas aisément associé aux idées de grace et (l'abondance personnifiées par Lakshmî ? La

1. Journal Asiatique, février-mars 4890, p. 153 et pl. III. Cf. La madone bouddhique, fig. 3 et 4, dans Monuments et Mémoires, t. XVII, 2e fasc. (1909).