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『東洋文庫所蔵』貴重書デジタルアーカイブ

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0018 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
インドからバクトリアのタキシラに到る古道 : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / 18 ページ(カラー画像)

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doi: 10.20676/00000237
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184   LES GRANDES INVASIONS

devaient encore tenter de pénétrer à leur suite par la même porte. Loin d'être un phénomène unique dans l'histoire, l'invasion aryenne, simple épisode des périodiques descentes des nomades de la Haute-Asie dans les plaines indiennes, n'a pas connu moins de contrefaçons qu'elle n'a eu sans doute de précédents. D'autre part, il ne faut pas croire qu'entre une caravane avec son escorte, une armée asiatique avec ses suiveurs, et une peuplade en voyage, il y ait tant de différence. De toute façon, dans les sentiers des passes, il ne peut y avoir qu'un seul mode de défilé : celui que l'on appelle la file indienne (I6). Pour tous, le rythme de la progression comporte forcément de courtes étapes journalières, coupées à intervalles plus ou moins rapprochés par des repos — haltes de jours ou de semaines pour les caravanes, de mois ou de saisons pour les armées, de lustres ou même de générations pour les peuples. Enfin, ne l'oublions pas, une migration de tribu avec femmes, enfants et troupeaux, tentes, armes et bagages, continue à être un fait de commune occurrence sur les routes d'Afghânistân, et le plus pittoresque des spectacles qu'elles offrent aux étrangers. Sans doute ce ne sont plus là que des mouvements saisonniers de transhumance, se déroulant sur une échelle beaucoup moindre, et se dirigeant alternativement dans les deux sens : ils ne nous en aident pas moins à concevoir assez exactement comment les choses se sont de tout temps passées.

Un jour — ce dut être au début de l'automne, la saison la plus favorable au voyage, car c'est celle où il y a le moins de neige sur le sol, le moins d'eau dans les torrents et le moins d'orages dans le ciel — une tribu ou une confédération de tribus, suffisamment puissante pour s'imposer par la force, s'est mise en marche sur le rapport de quelque explorateur enthousiaste et_sous la conduite d'un chef entreprenant. Les approvisionnements ont été faits pour la traversée des montagnes ; de l'autre côté, on vivra sur le pays ; les troupeaux se nourriront comme ils pourront le long de la route. Il a fallu renoncer à traîner après soi les chariots (car c'est d'hier à peine que l'Hindûkush est devenu carrossable) ; mais, tout comme aujourd'hui, les petits enfants, les agneaux et autres nouveau-nés, les tentes, les tapis, les ustensiles, les provisions, se répartissent et s'entassent sur les bêtes de somme, chevaux, ânes et bœufs : de chameaux, il est peu ou point question. Les chefs, et ceux des vieillards qu'on emmène, sont seuls montés. Les enfants déjà grandelets et les femmes marchent à pied comme les hommes, tirant par le licou les bêtes qui portent toute leur fortune. Bien entendu, des partis de guerriers forment l'avant-garde et couvrent les flancs et les derrières de l'interminable colonne pour la protéger contre les attaques possibles des montagnards — et dans ceux-ci, soit dit en passant, nous verrions volontiers les mêmes populations tibétaines qui, rejetées par les invasions de part et d'autre des passes de l'Hindûkush, continuent à occuper aussi bien les montagnes-de l'Hazârajât afghan que celles du Petit Tibet kaçmfri. Dure et périlleuse entreprise, quinzaine de fatigues et d'alarmes incessantes : mais enfin la tribu a passé, par un col ou par plusieurs à la fois, et la voici qui débouche au Kapiça, puisque nous savons qu'on ne peut déboucher ailleurs.

Que croyez-vous à présent qu'elle va faire, sinon s'établir et s'installer dans le beau pays conquis par son rude effort et s'y étendre à loisir comme une tache d'huile ? Il serait par trop fou de sa part de le céder à la tribu qui, sur le bruit de son succès, ne manquera pas de la suivre : c'est au contraire celle-ci qui devra pousser plus avant pour acquérir à son tour un domaine à sa convenance. A mesure que la route mieux battue, et à présent jalonnée de tribus amies et alliées, deviendra plus facile, les vagues de migrations se feront plus importantes en nombre et se succéderont à des intervalles plus rapprochés, jusqu'à ce qu'enfin, de la même manière que la marée montante dévore peu à peu une plage, elles finiront par inonder la plaine indienne. Mais tout n'a qu'un temps, et bientôt le moment viendra où il n'y aura plus de place pour tout le monde. Les