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『東洋文庫所蔵』貴重書デジタルアーカイブ

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0060 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
インドからバクトリアのタキシラに到る古道 : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / 60 ページ(カラー画像)

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doi: 10.20676/00000237
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226   LES GRANDES INVASIONS

225 ans plus tôt, les Indo-Grecs. Pourquoi Kujûla-Kadphisès réussit-il, tout comme Démétrios à forcer les passes de l'Hindûkush — si du moins celles-ci ne lui furent pas ouvertes par des complicités locales — alors qu'en 135 avant J.-C. l'avant-garde Çaka avait dû reculer devant l'obstacle ? C'est sans doute qu'il ne trouvait plus devant lui des strategoi Yavanas encore fortement établis dans l'Afghânistân et le Panjâb, mais seulement, représentants d'un empire fait de pièces et de morceaux et déjà en voie de décomposition, des satrapes scytho-parthes en état de semi-rebellion et avant tout occupés (comme les décrira le Périple) au petit jeu de se supplanter les uns les autres. Sont-ce ces divisions intestines et peut-être aussi les intelligences que les Kushâns avaient nouées avec les Kshatrapas indo-scythes, ou est-ce simplement la terreur de leurs armes qui facilita à Kujûla-Kadphisès l'annexion du Kapiça et de l'Arachôsie et, à ses successeurs, Vima-Kadphisès et Kanishka, l'établissement de leur suprématie plus ou moins nominale sur les Indes du Nord, de l'Ouest et même du Centre ? Ce qui nous frappe surtout, c'est la promptitude avec laquelle cette nouvelle hégémonie paraît avoir été acceptée, et, comme corollaire vraisemblable, la relative absence de violence avec laquelle elle se serait installée. Du moins n'entendons-nous pas s'élever sur les pas des grands Kushâns le lugubre concert de lamentations qui accompagnera dans l'Inde l'avance des Hephtalites : et nous verrions volontiers, dans ce contraste, la meilleure confirmation de leurs origines iraniennes. Puisqu'ils n'ont pas (le ciel en soit loué) appliqué le système mongol de la table rase, lequel pacifie en créant le désert derrière soi, c'est qu'apparemment ni eux, ni leurs troupes n'avaient aucune raison héréditaire de se conduire comme des Huns.

Gardons-nous de nous forger une chimérique idylle : mais autant qu'on peut lire entre les lignes des rares récits légendaires qui nous soient parvenus, on croit voir qu'il n'est pas plus question de déplacements massifs de hordes que d'expéditions guerrières avec plans de campagne et objectif précis. Il s'agit plutôt de grandes tournées en force, à la mode des monarques Achéménides, recueillant au passage soumissions et tributs, et sauf que l'armée a vécu sur le pays en le rançonnant (mais tel ne fut-il pas toujours le sort des paysans de l'Inde et d'ailleurs ?), laissant après elles les choses à peu près telles qu'elles les avaient trouvées. Et ceci nous est une nouvelle occasion de nous défaire, si possible, de nos idées européennes à l'emporte-pièce et de nos conceptions volontiers totalitaires. Mettons-nous bien dans l'esprit que l'empire de Gondopharès a pu passer et a effectivement passé aux mains de Vima-Kadphisès sans que la carte politique de l'Inde ait été pour si peu transformée. Partout les mêmes Kshatrapas ou Mahâ-Kshatrapas scytho-parthes — partout du moins où ils surent se rallier à temps au nouveau régime — sont restés en place ; ici à Taxila, pour recevoir Apollonios de Tyane; là, en Patalènè, pour fournir prétexte aux remarques sarcastiques du capitaine du Périple; ailleurs, en Larikè (tâta), pour figurer dans les listes de Ptolémée. Il n'y avait de changé que le nom d'un lointain suzerain : et à quel point ce suzerain était lointain, nos documents l'attestent. De même que sur le trône de Delhi Bâbur continuait à soupirer après celui de Samarkand et son Ferghâna natal, les grands Kushâns paraissent s'être moins souciés de leurs nouvelles possessions indiennes que de leurs anciens domaines de la Haute-Asie. Vima-Kadphisès, nous dit-on, n'aurait gouverné l'Inde que par l'intermédiaire d'un vice-roi; et qui sait si les expéditions conduites par Kanishka à l'Est des Pâmirs, dans le bassin du Tarim, où il rencontra l'avance des Han postérieurs et d'où il ramena ses fameux otages chinois, n'avaient pas pour objet de reconquérir avec Kuca le berceau de sa race ? (15).

On voit comment tout s'expliquerait bien, peut-être même un peu trop bien, dans l'hypothèse que nous venons d'exposer, et dans la confection de laquelle nous avons tâché de ne faire entrer que des matériaux déjà à l'épreuve du temps : mais ce qu'elle a encore de mal assuré ne doit pas nous faire négliger les quelques contributions certaines que l'histoire des Kushâns apporte