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『東洋文庫所蔵』貴重書デジタルアーカイブ

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0093 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
インドからバクトリアのタキシラに到る古道 : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / 93 ページ(カラー画像)

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doi: 10.20676/00000237
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LES CULTES LOCAUX

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nyme plus archaïque de Çiva, le « Propice » : car c'est aux déités les plus redoutées qu'il convient de donner les noms les plus auspicieux. Dans le pays de Langala (Hingol), où subsiste le grand pèlerinage çivaïte de Hinglâj, Hivan-tsang se sert de la désignation commune, celle de Mahêçvara. Au beau milieu du Gandhâra, il signale au haut de la colline de Karamâr un temple de Bhîmâdêvî, l'épouse d'Îçvara, et au pied un temple de son époux, ici Mahêçvara; et il n'ignore pas que c'est sous l'inspiration de ce même dieu que le Gandhârien Pânini a composé sa fameuse grammaire sanskrite (15). De même qu'il identifie pour nous le « Grand Seigneur », il nous décrit d'une façon non moins précise ses sectateurs professionnels, à savoir ces ascètes plus qu'à demi nus, tout frottés de cendre et porteurs de chapelets d'ossements ou de crânes. De ces Pâçupata et Kâpala-mâlin il croit devoir camper la pittoresque silhouette dès son entrée au Kapiça ; et, au cours de ses pérégrinations dans l'Inde du Nord et celle de l'Ouest, il nous signale constamment leur présence en nombre — mais, notons-le, seulement dans ces deux régions de la péninsule, à la seule exception de Bénarès qui était dès lors le lieu de rendez-vous de toutes les sectes hindoues. Quiconque se mêle, comme il nous a été donné de le faire, à la foule des pèlerins qui tous les étés et de tous les coins de l'Inde montent vers les montagnes du Kaçmîr, peut voir encore aujourd'hui ces mêmes sâdhu, frénétiques et transis, mener au péril de leur vie le train des pieux ascensionnistes jusqu'aux linga de glace perpétuelle formés par des sources gelées dans la caverne d'Alnarnâth (alt. en v. 4.000 m.). A la vérité Hivan-tsang, dans sa pudeur chinoise, fait le silence sur ces fétiches phalliques qui depuis l'époque de Mohen-jo-Daro jusqu'à nos jours, et depuis le Kapiça jusqu'en Indo-Chine et en Insulinde, ont constitué un élément intégrant de la dévotion çivaïte. Mais ce n'est sûrement pas par un pur hasard que le seul vestige d'hindouisme que nous ayons rencontré sous nos pas en Afghânistan l'ait été au pays de Lampaka (Laghmân) que, de son point de vue de zélé bouddhiste, notre auteur stigmatise comme particulièrement hérétique, et que ce vestige soit justement un linga (supra, p. 149).

Où nous mène cet ensemble de témoignages ? — A une conclusion d'assez belle envergure s'ils réussissent à démontrer que l'un des trois grands dieux de la triade hindoue remonte par ses origines à l'époque pré-vêdique. — C'est là, dira-t-on peut-être, une théorie qui n'a rien d'original... Nous nous en réjouissons pour elle. Dès 1853, Whitney se demandait en effet (et il n'était pas le premier hi le dernier à le faire) s'il ne fallait pas supposer « l'introduction [dans le panthéon brahmanique] d'une divinité entièrement nouvelle, venue des Montagnes du Nord... » (16). Cette hypothèse que les préjugés des indianistes de son temps l'obligent aussitôt à écarter, nous demandons la permission de la reprendre, mais cette fois dans son cadre et en l'appuyant sur une série de faits précis. Qu'en pénétrant dans la région du Nord-Ouest les immigrants aryens aient dû adopter la grande divinité locale, nous sommes d'autant mieux autorisés, et même invités à l'admettre qu'à l'époque historique le même fait s'est par deux fois reproduit. Quand, au ve siècle de notre ère, les Huns Hephtalites et au ier les Kushâns débouchent dans le Panjâb, nous constatons qu'ils sont déjà çivaïtes. Où le seraient-ils devenus, sinon en route ? Et à quelle étape de leur route sinon, au plus tard, dès qu'ils eurent franchi l'Hindûkush ? Sous quelque face qu'on l'envisage, le çivaïsme déclaré d'un Mihirakula ou d'un Vima-Kadphisès est le résultat d'une sorte de conversion intervenue en Afghânistân et dont nous possédons la preuve. Pour le premier nous avons la tradition de la Râjataranginî sur sa dévotion à Çiva et sur la partialité éhontée que les brahmanes du Gandhâra, ce rebut de leur caste, témoignaient pour le monstre à face humaine dont ils se partageaient les donations et qui avait du moins à leurs yeux le mérite d'être hostile au bouddhisme (ii) . Quant au second, ses monnaies sont là qui l'appellent « sectateur de Mahêçvara » et qui nous fournissent — fait considérable et depuis longtemps signalé, mais auquel on n'a peut-être pas attaché