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『東洋文庫所蔵』貴重書デジタルアーカイブ

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0094 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
インドからバクトリアのタキシラに到る古道 : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / 94 ページ(カラー画像)

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doi: 10.20676/00000237
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260   LES PROPAGANDES RELIGIEUSES

assez d'importance — les premières images certaines et datées d'une grande divinité hindoue. Or ce prototype, originaire par définition du Nord-Ouest, s'est imposé à toute l'iconographie postérieure. Il nous montre déjà Çiva brandissant son attribut caractéristique, le trident (tri-pila), et adossé à son fidèle taureau, selon le type qui, repris par Vâsudêva, persistera jusque sous les Kushâno-Sassanides. Les monnaies intermédiaires de Kanishka et de Huvishka omettent de figurer le vahana du dieu : mais en revanche elles prêtent à celui-ci, outre un ityphallisme parfois très accusé, trois visages et quatre bras. Devenus par là même plus nombreux, les attributs n'en sont pas moins parlants. Le fer de hache (paraçu) qui parfois s'ajoute au trident, le lasso (Nâça), le foudre (vajra) emprunté à Indra, occasionnellement le disque (cakra) et la massue (gadâ) qu'empruntera à son tour Vishnu, sont autant de symboles de sa redoutable puissance. Le flacon d'ambroisie qu'il déverse ordinairement de sa première main droite dénote au contraire son infinie bienfaisance : aussi est-ce justement cet emblème que retiendra la contrefaçon bouddhique de Çiva, ce Lokêçvara qui sera bientôt non moins populaire dans l'Inde et, plus tard, non moins répandu jusqu'en Insulinde (cf. infra, p. 287). Quant au damaru ou tambourin en forme de sablier, c'est l'instrument qui lui sert à rythmer non seulement ses propres danses orgiaques, mais encore celles de ses hordes de démons (gana), de fées (yoginî) et de sorcières (dâkinî). Enfin, sous l'une de ses mains inférieures se cabre le mouflon de la montagne dont les longues cornes recourbées, magnifiques trophées de chasse, devaient jadis orner ses sanctuaires de même qu'ils décorent aujourd'hui les zyarât et maxâr musulmans. Pour ce qui est enfin du nom que lui donnent les exergues, à savoir « Oêsho », on doute à qui il s'applique le mieux, de lui ou de son taureau absent : aussi bien, sur les monnaies de Mihirakula où seul l'animal est représenté, nous ne saurions davantage dire si la légende Jayatu vrisha, « Vive le taureau ! », se rapporte à lui ou à son divin maître (i8).

Nous trouvons donc le culte et l'iconographie de Mahêçvara le Terrible, lequel est le même (lue Çiva le Propice, constitués dès le début de notre ère dans les montagnes du Nord-Ouest de l'Inde. Le témoignage des historiens grecs nous invite à présent à remonter de trois siècles plus avant dans le passé : car une divinité de cette importance n'a pu rester inaperçue des compagnons d'Alexandre. Ainsi qu'il était à prévoir, ce qui les a surtout frappés, c'est bien moins l'aspect quasi olympien qu'elle revêt parfois dans l'esprit et les textes des lettrés que le côté orgiaste de sa nature, tel qu'il se déployait à tous les yeux au cours de ses fêtes populaires. Nous savons même à peu près où l'on trouverait, si on pouvait aller la chercher (supra, p. 208), la vallée agreste de Nysa, gisant au pied du Mont Mêros, où, ravis de joie à la vue du lierre et de la vigne grimpant aux arbres, .et se mêlant librement aux danses et beuveries des villageois, les soldats grecs et leur chef crurent

. revivre l'enivrant souvenir de leurs propres bacchanales. Non moins prompts à identifier par analogie les divinités indiennes que les troupes de César les gauloises, à ces signes certains et à ces vagues consonances ils reconnurent Dionysos le Nyséen, né de la cuisse (mêros) de Zeus. Relisez Arrien et Quinte-Curce : ni l'un ni l'autre, ni à leur suite Strabon, n'essayent de nous cacher que c'est sur ce fameux incident que repose en définitive l'identification dont les historiens antiques nous apportent complaisamment l'écho. L'orgueil hellénique fit le reste. Quand le bruit se répandit dans l'armée que « les Indiens de la montagne adoraient Dionysos », comment les Grecs n'auraient-ils pas été amenés à considérer ce fait comme un durable souvenir de l'impression laissée par le passage

de ce dieu quand jadis, par une anticipation de l'expédition macédonienne, il avait daigné civiliser l'Inde en la conquérant ? Et comment à son tour Alexandre, en mal de divinisation, quand en 324, au cours de sa pénible retraite, il eut enfin atteint la fertile et paisible province de Karamanie, ne se serait-il pas plu à rééditer, pour sen prestige personnel et le bénéfice de son armée si durement éprouvée, la pompe bachique du divin précurseur qu'il s'était découvert ? Nous avons déjà eu