National Institute of Informatics - Digital Silk Road Project
Digital Archive of Toyo Bunko Rare Books

> > > >
Color New!IIIF Color HighRes Gray HighRes PDF   Japanese English
0069 Les documents chinois de la troisième expédition de Sir Aurel Stein en Asie Centrale : vol.1
Les documents chinois de la troisième expédition de Sir Aurel Stein en Asie Centrale : vol.1 / Page 69 (Color Image)

New!Citation Information

doi: 10.20676/00000258
Citation Format: Chicago | APA | Harvard | IEEE

OCR Text

 

INTRODUCTION   53

remplacé par son frère qui, ayant été longtemps otage à la cour de Chine et ayant reçu une éducation chinoise, paraissait devoir être plus docile. Le nouveau roi était si peu sûr de ses sujets et avait d'autre part si peur des Huns qu'il demanda qu'on lui envoyât une garnison chinoise: une colonie militaire fut fondée alors à Yi-siun. Le nom du royaume fut à partir de ce moment changé en

Chan-chan gis   dans les textes chinois.'

Vers l'est et le nord, le royaume était limité par le désert; vers l'ouest, il tenait toute la vallée du Charchan-daryā, comprenant le pays de Ts`ie-mo $c , l'actuel Charchan, que les documents hindouisés appellent Calmadana;2 plus loin Tsing-tsiue 1FN , l'actuel Niya (Nina des documents kharosthī), en dépendait au début du IIIe siècle. Ce petit royaume avait une importance stratégique considérable: il était la clef des routes allant de Chine vers l'Asie Centrale; 3 c'était le premier pays habité au sortir de Touen-houang et de la Porte de Jade, Yu-men: de là, on allait soit au nord-ouest vers Yen-k`i A (Karashahr), Kieou-tseu Sla (Kuchā) et enfin Sou-/ö í t 1 (Kāshgar), soit à l'ouest vers Yu-t`ien E (Khotan). Aussi les Chinois y étaient-ils fortement installés, avec des colonies militaires sur la rive nord et sur la rive sud du Lop-nōr, pour garder les deux routes du nord et du sud.

Au I I Ie siècle, la population indigène était bouddhiste et fortement hindouisée: partout, à Mirān, à Niya, à Leou-lan, ont été trouvées des ruines de stūpas. Les documents en kharosthī mentionnent des bonzes aux noms hindous, comme Anamdasena; les laïques eux-mêmes portent des noms bouddhiques, Budhamitra, Dhamn"apāla (sk. Dharmapāla), Pumnadeva (sk. Pūrnadeva), etc., aussi bien que des noms indigènes Kappeya, Kipsa, Yappu, etc.4 A côté de l'influence indienne, l'influence chinoise était elle aussi très puissante: s'exerçant depuis les Han, renforcée par l'envoi régulier des jeunes princes en otage à la cour de Chine où ils faisaient leur éducation à la Grande-Ecole, elle avait fini par imposer la langue chinoise, sinon comme langue officielle du royaume, au moins comme langue de cour, au point qu'une série de fiches en bois destinées à accompagner des cadeaux de jour de l'an ou de fête présentés par de grands personnages locaux au roi de Niya, dépendant de Chan-chan, au IIIe siècle, sont rédigées en chinois.5

Les documents chinois provenant de Leou-lan n'ont rien à faire avec le royaume indigène de Chan-chan, et je n'ai parlé de celui-ci que pour situer ces documents dans leur cadre non chinois,

par opposition avec ceux du Limes de Touen-houang à l'époque des Han. Ils se rapportent tous à une administration chinoise civile et militaire installée à côté et en-dehors de l'administration

indigène, et qui ne nous est connue que par eux. Une colonie militaire avait été fondée au temps des Han sur la rive nord de l'ancien Lop-nōr; Chavannes a rapporté la légende qui est le seul souvenir de sa création;6 elle portait officiellement le nom de Leou-lan. C'est là qu'au milieu du IIIe siècle, vers 263 ou un peu avant, vint s'établir l'administration chargée de reprendre la politique d'expansion en Asie Centrale, abandonnée ou tout au moins fort ralentie depuis un siècle environ.

Le chef en était le Secrétaire-Général pour les Pays d'Occident, Si yu tchang-che   . Un

de ces curieux petits blocs de bois qu'on attachait aux documents en papier par des cordons, comme

une bulle en Occident, et qui portaient l'adresse du destinataire, porte les mots: "Au Secrétaire-Général pour les Pays d'Occident, Son Excellence M. Tchang".7 Le nom de ce même personnage apparaît inscrit au dos d'un document officiel sur papier, comme destinataire, avec l'indication "houei

i) Ts'ien Han chou, k. 96, 3a, trad. WYLIE, dans Journal Anthropological Institute, X, 23-28; CHAVANNES, Les Pays d'Occident d'après le Wei-lio, dans Toung-pao, 1905, 532 note, 537 note 2; cf. CoNiAìY, Handschriften, pp. 2-3.

  1. Ts`ie-mo, anc. *ts`ie-mwat, est la transcription chinoise du nom indigène qui se cache sous cette forme hindouisée et en représente les deux premières syllabes calmad(ana). La diphtongue *ie du VI le siècle dérive d'un ancien *ia du temps des Han. Chavannes avait préféré la lecture ts'iu à cause de la variante a qui n'a que cette prononciation.

  2. STEIN, Serindia, III, 1147-1148.

  3. Sur l'onomastique non chinoise de Leou-lan, voir STEIN, Serindia, I, 414.

  4. CHAVANNES, Documents, 940-947.

  5. CHAVANNES, Trois généraux chinois, T'oung-pao, 1906, 246: c'est simplement l'histoire de la fondation de la colonie militaire de Yi-wou (Håmi) vers 119 p.C., transportée à Leou-lan.

  6. CHAVANNES, Documents, 751.