86 MISSION SCIENTIFIQUE DANS LA. HAUTE ASIE.
traduits'du persan. On dit qu'avant 1863 les livres étaient extrêmement rares à Khotan ; on n'y trouvait guère que le commentaire de la Loi, et les légendes des saints. Depuis, les traductions d'ouvrages persans se sont répandues, et ce sont principalement des fragments de ces ouvrages que récitent les conteurs ambulants, qui, les jours de.bazar, rassemblent autour d'eux la foule des badauds. Tels sont le Cháh námelz, l'Ishaizder námeh, le `molli nánzeh, le Kitáb-i-létaif, le Cheik•touti, le Tchahar deraîch, le Bahlztiár nárneh, Ferhád ou 'Ghîrîn, Hamzah, Dil 4rárn. Un bon nombre des contes de la vallée de l'Ili publiés par M. Radlof sont tirés de ces livres. De même une grande partie de ceux que j'ai notés se trouvent soit dans les dits ouvrages, soit dans le recueil de M. Radlof. Ces contes présentent à peu près les mêmes caractères de merveilleux naïf et de farce grossière que dans tous les pays du monde, et les motifs en sont ů peu près les mêmes. On entend narrer à Khotan cette histoire étrange de Lokis, dont Mérimée fit jadis la surprise aux demoiselles d'honneur de l'Impératrice; l'écrivain français l'avait apprise en Hongrie et depuis on l'a découverte en Lorraine. Les bonnes vieilles plaisanteries que nos paysans se lèguent de père en fils sont également familières aux paysans des oasis du Gobi, par exemple l'histoire (les sourds qui se parlent et se répondent sans s'entendre, l'un répondant de mariage à celui qui lui parle de fromage, l'histoire de l'imbécile qui s'en va acheter une livre d'huile : « Vous n'avez point de pot, où la mettrai-je ? » demande le marchand — « Dans mon bonnet donc! » Le bonnet rempli, il reste encore de l'huile. — « Minute ! dit l'imbécile, il y a encore de la place de l'autre côté. » Et il retourne son bonnet en le renfonçant (l'un coup de poing. Nous avons tous aussi entendu le récit des aventures de cet autre niais, qui, assis sur la branche d'un arbre, se met en devoir de la couper; quelqu'un passe qui lui annonce qu'il tombera s'il achève son ouvrage. Comme cette prédiction se réalise, le niais prend le passant pour un sorcier; il court après lui et le prie de lui prédire quand il mourra : « Lorsque ton âne se sera soulagé &ois fois, » repart l'autre; et les sornettes qui s'ensuivent.