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0045 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 45 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LES CONQUETES IRANIENNES ET IRANO-GRECQUES

ne voyait pourquoi il ne serait pas roi à son tour et dans son fief. Déjà Eukratidès, après avoir soulevé la Bactriane sur les talons de Dèmètrios, l'avait relancé jusque dans ses nouvelles possessions indiennes et lui avait ravi tout au moins la rive droite de l'Indus (28). On place cet événement vers 167 et l'on a toutes raisons de supposer que le dernier des Yavanas indianisés, Hermaios, encerclé dans le Kapiça, succombait vers l'an 3o avant notre ère. Il nous reste donc cent trente-sept ans et la région frontière du Nord-Ouest pour loger plus de trente Basileis.

Ce qui complique le problème, ce n'est pas seulement que les conquêtes des Indo-Grecs débordent de beaucoup vers l'Est le territoire afghan; c'est encore l'absence quasi-totale de renseignements sur leur compte. A propos de quatre seulement d'entre eux, Dèmètrios, Eukratidès, Apollodotos et Ménandre, les historiens classiques nous ont conservé quelques rapides indications; l'un de ces quatre, Ménandre, est le seul Grec à qui la littérature indienne ait décerné une mention, et même un prix de philosophie; un cinquième, Antialkidas, est nommé par l'inscription prâkrite de Besnagar (29) ; les quelque vingt-cinq autres ne sont pour nous que des noms inscrits sur des monnaies, d'ailleurs très belles et très typiques. Si tous ont risqué, et beaucoup perdu leur vie pour conquérir de haute lutte le droit d'en frapper à leur tour, il faut reconnaître qu'en échange elles les ont sauvés de l'oubli. On se plaît à rappeler que, vers le milieu du Ier siècle de notre ère, le capitaine au long cours qui nous a laissé le « Périple de la Mer Érythrée » a trouvé les monnaies d'Apollodotos et de Ménandre encore courantes dans le port de Barygaza (Broach) : témoignons que, dix-huit siècles plus tard, elles se mélangeaient encore aux petits tas de piécettes placés sur leur étal par les changeurs de village le long des routes écartées du Nord-Ouest de l'Inde. Mais tout ceci ne nous conduit à aucune de ces localisations précises 'dont nous avons besoin pour notre travail particulier de topographie historique.

En revanche, s'il ne s'agit que de donner au problème une solution théorique, la carte reste d'un grand secours. Non contents de faire remarquer que l'Inde du Nord-Ouest est après tout un pays aussi ou plus vaste que la péninsule des Balkans ou celle d'Asie Mineure (30), nous pouvons à présent dresser, en face de la liste des dynastes fantômes, celle, toujours réelle, des pays qui ont été susceptibles de leur fournir l'étoffe d'un royaume plus ou moins autonome. Échelonnés le long de notre route, il y avait d'abord la Bactriane, avec ses annexes de Margiane et du Badakshân ; puis, au Sud de l'Hindûkush, le Kapiça, suprême retraite; puis, ce que nous avons appelé le Bas-pays et qu'Alexandre avait déjà détaché de la satrapie des Paropanisades, avec ses districts de Nagarahâra et de Pushkarâvatî, et enfin l'Arachôsie. Sur la rive droite de l'Indus, Taxila et Çâkala (Sialkot) ont été de même des capitales distinctes ; si bien qu'en fin de compte, la place nous manque beaucoup moins qu'on n'aurait pu craindre pour pourvoir la meute des prétendants. Il appartient à présent aux numismates — et on sait avec quelle admirable perspicacité ils se sont acquittés de cette tâche —de distinguer d'après les exergues, les types, les modules, les poids, les monogrammes, les marques d'atelier, les doubles frappes des pièces, et aussi leurs lieux de trouvaille, sur quel versant des montagnes ou sur quelle rive du grand fleuve a régné tel ou tel Basileus et comment tel ou tel pays a changé de mains entre les deux constellations qu'ils sont parvenus à distinguer au sein de cette nébuleuse, la dynastie d'Euthydème et celle d'Eukratidès (31).

Tout ceci se place sur un plan bien supérieur au terre-à-terre de notre route. Mais de même que le géographe s'empresse de marquer le moindre lieu dit qui meuble le blanc d'un désert, l'historien est trop heureux de faire un sort à la moindre lueur qui filtre à• travers le noir des âges; et c'est pourquoi nous voudrions recueillir précieusement ici deux menus renseignements qui viennent nous consoler de l'avarice de nos sources. La capitale du Kapiça nous était déjà connue par une règle grammaticale de dérivation donnée par Pânini et par une mention de Pline l'Ancien;

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