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0136 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 136 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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3oz   LES PROPAGANDES RELIGIEUSES

ment pour retomber dans leurs superstitions ancestrales. Le Kaçmîr lui-même, qui dut alors donner asile à nombre de moines fugitifs, n'a pu échapper à la loi commune. Quand les basses castes, qui y avaient tout à gagner, se furent converties en masse au mahométisme, seuls les brahmanes réussirent contre vents et marées à se maintenir dans leur patrie : les moines bouddhiques ne trouvèrent de durable refuge que dans les montagnes du Ladakh et du Tibet. En vérité, on pourrait reprendre au compte du bouddhisme du Nord-Ouest l'exclamation qu'arrache au vieux chroniqueur Kalhana la totale disparition du royaume des « Çâhis » avec son armée, sa cour, ses ministres, ses rois et sa gloire royale : on peut, dit-il, se demander, comme au sortir d'un rêve, s'il a jamais existé (23)...

Mais nous non plus nous n'avons pas rêvé. Cet Afghânistân, devenu aujourd'hui l'un des remparts de l'Islamisme, a jadis été conquis, puis reperdu par le bouddhisme indien : et si de tout ce long passé évanoui il ne nous reste plus que des ruines de sanctuaires et de couvents jonchés de débris d'idoles, du moins ces restes sont-ils toujours là pour attester la réalité historique des événements que nous venons d'esquisser. L'objet du prochain chapitre sera justement d'étudier sous cet aspect concret et durable l'envers du développement spirituel et passager que nous venons d'esquisser.

Il nous incombe toutefois, avant de passer à l'histoire de l'art, de formuler brièvement

les conclusions auxquelles nous a directement conduits notre enquête sur le mouvement des idées religieuses : elles ne manquent ni de portée ni de poids. L'évolution du bouddhisme dans l'antique Ariane constitue, on l'a vu, un cycle fermé qui s'étend sur plus de dix siècles entre un commencement et une fin également datés. Au cours de ce long déroulement il a fatalement partagé les vicissitudes d'une contrée incessament brassée par l'intrusion des races et des idées occidentales et n'a pu manquer d'en subir le contre-coup. Par bonne chance, nos documents nous permettent déjà de préciser dans quel sens il s'est transformé ; et la nature de cette transformation, à son tour, ne commande rien moins que l'orientation générale des études bouddhiques. A leur début tout le monde s'est plu à opposer, après Eugène Burnouf, le « bouddhisme du Nord » à celui du Sud. Plus tard la mode tourna ; et, par réaction contre les prétentions exorbitantes de l'orthodoxie singhalaise, on ne voulut plus entendre parler de division géographique, mais seulement de différences d'opinions entre les diverses écoles; et il va en effet de soi que des controverses dogmatiques sont un facteur nécessaire à la naissance d'un schisme. Mais il n'empêche que les principales sectes, tout en se partageant volontiers les couvents voisins des grandes villes, avaient chacune une origine locale et grosso modo une répartition régionale. Et enfin il reste toujours à expliquer le fait • d'évidence oculaire qu'est le contraste actuellement existant entre le bouddhisme tibétain et sino-japonais d'une part et, d'autre part, celui de l'Asie sud-orientale — contraste assurément plus profond et plus frappant que celui qui sépare en Europe les deux branches, romaine et grecque, de l'Église chrétienne. Nulle part peut-être il n'éclate de façon plus flagrante que dans l'IndoChine la bien-nommée, où les deux formes divergentes de la Bonne-Loi ont fini par se rejoindre au bout de leurs périples respectifs de l'océan Indien et du continent asiatique — l'une venue par la voie de mer dans la partie indianisée, et l'autre par la voie de terre dans la partie sinisée de la même péninsule — et où elles ont peine à se reconnaître pour sœurs, tant les autels et les bibliothèques des pagodes comme les croyances, la règle et les costumes des moines sont devenus différents. Puisque le présent a toujours ses racines dans le passé, il faut bien qu'en un temps et en un lieu donnés ait commencé à se dessiner l'écart qui n'a fait que s'accentuer depuis lors, du fait des longues pérégrinations du Sad-dharma et de ses monastiques représentants. Or, si les considérations qui précèdent ont mis deux points hors de doute, c'est d'abord que le bouddhisme instauré au Gandhâra par Açoka était le bouddhisme du bassin du Gange et, par conséquent, le même qui, introduit sous le même empereur à Ceylan, s'y est conservé sans très grands changements