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0203 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 203 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LA RÉGION INDO-IRANIENNE   369

d'une part, entre celui-ci et 1Extrême-Orient de l'autre. En regardant vers l'Est, nous assistons à l'indianisation de l'Indochine et de l'Indonésie et à l'introduction du bouddhisme, du manichéisme et du nestorianisme jusqu'en Chine. Du côté de l'Ouest, tandis que s'infiltrent dans la péninsule, pêle-mêle avec des notions scientifiques et des genres littéraires, quelques-unes des conceptions religieuses alors répandues dans l'Asie antérieure, nous voyons l'Inde apporter en échange sa contribution au syncrétisme régnant grâce à la sagesse de ses contes, au charme de ses légendes et à sa longue expérience de la vie monastique. A la vérité, nous n'avons pu constater qu'en passant et par ouï-dire la frappante ressemblance des catéchismes grecs, coptes, syriaques ou sanskrits qui, pour le compte d'innombrables sectes, judaïques, chrétiennes, gnostiques, mazdéennes, manichéennes ou mahâyânistes, noient sous le même intarissable verbiage un fond commun, quoique hétérogène, de théories métaphysiques et de visions apocalyptiques, de règles de morale et de pratiques magiques, de croyances astrologiques et de recettes d'alchimie, etc., mais qui, en dépit de leurs divagations et de leur psittacisme, n'en rénovent pas moins toutes les vieilles doctrines sous le triple chef de la gnose (jnâna), de la religiosité (bhakti) et du rite sacramentel (samskâra). L'impression nous est restée que cette période, malheureusement encore très obscure, a été particulièrement fertile en emprunts réciproques, plus fertile même que celle des IndoGrecs, à laquelle on a trop souvent rapporté d'office les plagiats les moins bien déguisés de l'Inde, qu'ils fussent d'ordre philosophique, scientifique ou littéraire. Bien des questions s'éclairciront un jour, nous en avons l'assurance, à mesure que nous connaîtrons mieux l'histoire de l'Asie antérieure au cours des six premiers siècles de notre ère : mais leur solution est la récompense promise aux travaux de nos successeurs.

Bornons-nous donc pour finir aux deux constatations les plus saisissantes que nous suggère, vu en raccourci, le passé d'une région où peut-être se situe le meilleur des observatoires entre l'Occident et l'Orient de l'Asie. C'est tout d'abord que, comme les liquides contenus dans des vases communicants, les cultures des nations mises en relations entre elles ont une tendance constante à se mêler et à égaliser leur niveau; c'est ensuite que par deux fois l'occasion s'est offerte où la fusion des civilisations de l'Eurasie aurait eu chance de se consommer, et que par deux fois l'occasion a été manquée. Qui osera soutenir qu'il n'était pJs souhaitable que les barrières politiques contrariant cette amalgamation fussent plus complètement et plus largement renversées ? Tel fut le rêve grandiose mais prématuré d'Alexandre; car pour unifier l'Ancien monde, il fallait commencer par le subjuguer tout entier. Lui-même sentait à quel point sa tâche surhumaine était loin d'être achevée, s'il est vrai que sur son lit de mort il projetait la conquête de Carthage et, après elle, de tout le bassin occidental de la Méditerranée. Quatre siècles plus tard, la Rome de Trajan avait solidement terminé les deux tiers de l'ouvrage, et semblait de taille à mener l'entreprise jusqu'au bout. Comment l'historien européen ne se surprendrait-il pas à regretter — au risque de faire se récrier ses confrères d'Asie — que Parthes et Sassanides aient finalement vaincu et arrêté les invincibles légions romaines ? Non qu'il veuille se faire l'avocat des empereurs de Rome ou de Byzance : il aperçoit trop bien qu'au cours de ce conflit séculaire eux aussi ne cherchaient que leur profit et que, tout comme de nos jours, les luttes pour l'hégémonie politique cachaient mal des motifs d'intérêt économique. Au fond l'enjeu était le commerce considérable qui se faisait alors entre la Chine et l'Inde d'un côté, la Syrie et l'Égypte de l'autre; et il s'agissait avant tout de ravir à la Perse les bénéfices que lui rapportait, de par sa situation géographique, le métier d'honnête courtier entre l'Extrême-Orient et le Levant méditerranéen. Aussi devant les grandes affiches rupestres où Shâpur Ier s'est fait représenter, foulant sous les pieds de son cheval un cadavre ennemi et regardant de son haut l'empereur Valérien agenouillé devant lui dans une

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