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0127 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 127 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LES REACTIONS OCCIDENTALES SUR LE BOUDDHISME   293

été bons à colporter quelques contes. Parmi les soi-disant intellectuels eux-mêmes il y a des distinctions à faire. Si l'on en juge par ce qui se passait de nos jours, le fait que tel chef de secte théosophique, comme Térébinthe, s'attribuait le titre de Buddha ne prouve pas le moins du monde qu'il eût une connaissance tant soit peu sérieuse de la pensée, ni surtout de la littérature bouddhique. Les écrits d'hommes comme Bardesane et Clément d'Alexandrie, beaucoup moins suspects de charlatanisme, attestent seulement que des renseignements nouveaux et précis, mais toujours superficiels, leur étaient parvenus sur les samana, leurs règles monastiques et leurs édifices religieux. C'est seulement vers le milieu du me siècle qu'avec Mânî (215-276) toutes ces suppositions et rumeurs vagues prennent soudain un corps solide et un relief singulier. D'après le passage que nous a conservé Al-bîrûnî de son Shâh/uraghân, le nouveau prophète, né en Babylonie d'une bonne souche iranienne, déclare lui-même qu'il est venu mettre le sceau aux trois révélations successives que les trois messagers de Dieu, ses prédécesseurs, ont apportées, le Buddha à l'Inde, Zoroastre à la Perse et le Christ à l'empire romain. Écrivain, artiste et médecin en même temps que visionnaire, il semble qu'il soit, philologiquement parlant, autorisé à émettre cette prétention que l'histoire n'a pas ratifiée. Même s'il ne savait pas le grec, il a pu lire dans sa langue maternelle le Nouveau Testament, dès lors traduit en syriaque, et s'initier à travers Bardesane aux idées des gnostiques chrétiens; en fait d'ouvrages zoroastriens, il a eu à sa disposition ceux que les derniers Arsacides, sentant venir le réveil nationaliste et religieux qui devait renverser leur dynastie, s'étaient préoccupés de réunir; du bouddhisme enfin il serait allé prendre connaissance sur place, et ceci nous regarde directement (ii).

A présent que nous savons que, contrairement à ce que l'on pensait après Al-bîrûnî, ce voyage a précédé de bien des années le bannissement et le long exil du prophète, il semblait se replacer de lui-même dans son cadre historique. A l'avènement de Shâpur Ier (241), son frère, le prince Péroz, avait été nommé par lui « grand roi des Kushâns » (cf. supra, p. 227) et, selon toute vraisemblance, c'était sous le haut patronage du suzerain de la région indo-iranienne, son protecteur attitré, que Mânî, aux environs de la trentaine, avait dû et pu librement circuler dans l'Inde du Nord et s'initier de ses yeux ou par interprète à la doctrine comme à la discipline bouddhique. Vanité des hypothèses les plus séduisantes ! Voici que les fragments de ses Ke¢halaia récemment retrouvés en Égypte nous apprennent que « c'est dans la dernière année du roi Ardeshîr (donc dès 240) qu'il fit sur un vaisseau la traversée vers le pays des Indiens et leur prêcha l'Espérance de la vie »; et dès l'avènement de Shâpur, il revint, toujours par mer, de l'Inde en Perse. On ne nous dit malheureusement pas à quels ports il prit la mer ou débarqua, ni non plus jusqu'où il étendit ses pérégrinations à l'intérieur du pays. Autre question, plus délicate encore à résoudre : de cette authentique mais courte tournée de prédication et d'études, qu'a-t-il rapporté ? On songe aussitôt à l'emprunt caractéristique que de tout temps se sont empressés de faire à l'Inde les théosophes de tout pays, à savoir la croyance à la transmigration des âmes. Al-bîrûni, fort au courant des Écritures manichéennes, écrit sans hésitation aucune : « Quand Mânî... s'en alla dans l'Inde, il apprit la métempsychose des Hindous et l'introduisit dans son propre système... »; et tous les témoignages latins, grecs, arabes, syriaques, sogdiens, turcs ou chinois réunis par W. Jackson confirment cette assertion. A la vérité Mânî aurait apporté à ce vieux dogme quelques modifications théoriques; il paraît n'avoir employé ni le mot mal fait de métempsychose (qui devrait signifier le passage de plusieurs âmes par le même corps), ni celui plus exact de métensômatose, mais celui de « transvasement » (metagismos, entendez : des particules de lumières dans des corps de plus en plus épurés). Seulement il en fut de son enseignement comme de celui du Buddha dans l'Inde même où, tandis que les docteurs s'évertuaient à expliquer par des paraboles comment il