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0103 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 103 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LA PROPAGANDE BOUDDHIQUE   269

par les historiens : il ne sien marque pas moins profondément en toutes choses. Aux mangeurs de blé et de viande et aux buveurs de vin descendus de la Haute-Asie s'opposent les végétariens et les buveurs d'eau de la rizière orientale ; aux envahisseurs jaloux de la pureté de leur sang et férus de la hiérarchie des castes, des populations mêlées et s'accommodant fort bien de ce mélange ; aux fauteurs des sacrifices sanglants (yajna), les adeptes d'un culte innocent consistant en offrandes de fruits et de fleurs (pûjâ) ; aux « Asuras » débordant de force brutale et d'orgueil, dominés par l'esprit de convoitise et la volonté de puissance, les prôneurs des vertus d'humilité et de nonviolence, professant et pratiquant la doctrine du renoncement. Il n'est pas jusqu'au réalisme dualiste ou moniste et à l'optimisme invétéré des uns qui ne se heurte, du point de vue philosophique, au pluralisme nihilistique et au pessimisme résigné des autres. Bref, il y avait aussi loin du « paganisme » de l'Ariane au bouddhisme du Magadha que de celui de la Grèce au christianisme issu de la Judée ; et l'analogie générale va même jusqu'au caractère largement humain et, pour tout dire, international de la religion nouvelle, par opposition à l'étroit particularisme des cultes anciens. — Morale d'esclaves et de vaincus, n'auront pas manqué de déclarer les chefs des soi-disant peuples-maîtres : il n'empêche que les malheureux habitants du Nord-Ouest, sans cesse foulés aux pieds par les invasions et lassés à bon droit des horreurs de la guerre, la trouvèrent à leur goût. Tous les témoignages s'accordent sur le succès considérable que la propagande bouddhique rencontra dans cette âpre région qui semblait si mal prédisposée pour elle (i). Assurément elle a bénéficié dès le début de l'appui officiel de l'administration, puisque l'empereur Açoka, converti au bouddhisme, veillait lui-même à l'envoi des missionnaires. Mais bientôt elle réussira à intéresser les plus intelligents des dynastes grecs, tel Ménandre; et son triomphe sera enfin de conquérir à sa cause dans la personne du Kushâna Kanishka l'un des plus farouches conquérants de l'Hindûstân.

A ces quelques traits se bornerait une esquisse de l'introduction du bouddhisme dans l'Inde du Nord si nous n'avions justement pour tâche de suivre pas à pas sur notre route les signes avant-coureurs de son arrivée et les étapes de ses progrès : car même les religions suivent les routes, et, de ce biais, la géographie et l'histoire ont un mot à dire à leur propos. Comme les lecteurs qui ont bien voulu nous suivre jusqu'ici devinent d'avance le plan que les faits et les lieux vont dicter à notre exposé, mieux vaut que nous nous hâtions d'étaler les cartes sur la table. Quand nous sommes venus de Bactres à Taxila nous avons déjà dû remarquer ci-dessus (p. 3o) que sur le versant méridional de l'Hindûkush la descente s'opérait en deux temps : à présent que nous allons refaire le même trajet en sens inverse avec les missionnaires bouddhiques, il nous faudra également distinguer à leur actif comme trois grandes enjambées successives. La première les mènera d'emblée jusqu'au bout des dernières ramifications de la plaine indienne, au pied du plateau de l'Irân; la seconde leur permettra de procéder à la conversion du Haut-pays ou Kôhistân; mais puisque celui-ci, une fois atteint, se révélera comme n'étant encore que le Kôh-dâmân ou Piémont des Montagnes Neigeuses, il leur faudra un troisième effort pour franchir celles-ci et retrouver en Bactriane à peu près la même altitude et la même abondance qu'à Jelâlâbâd. Ensuite s'ouvrira devant eux, par-delà l'Oxus, la grande steppe eurasienne où nous n'aurons pas à les suivre : et voilà pour le côté géographique de la question. Il va de soi que, du point de vue historique, à ces trois étapes correspondront trois époques différentes et se succédant dans le même ordre. Là-dessus nos documents ne nous laissent pas réduits à des vues purement théoriques. Aux deux premiers stades de l'expansion du bouddhisme s'attachent aussitôt deux noms dont la luminosité propre éclaire au moins sourdement tout le tableau, à savoir ceux d'Açoka et de Kanishka ; et, si la mention des « anciens rois» qui se réfère au troisième stade est beaucoup plus confuse, souvenons-nous que ce vague même correspond à l'obscurité croissante des temps.