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0116 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 116 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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. 282   LES PROPAGANDES RELIGIEUSES

orientale ? Pourquoi, en un mot, les deux grandes religions à missionnaires se sont-elles tourné réciproquement le dos ? Comme il n'y eut évidemment pas de convention, ni écrite ni tacite, passée entre les apôtres du Christ et ceux du Buddha pour se partager l'Ancien monde, il faut trouver à ce curieux phénomène des raisons qui soient valables de part et d'autre. Les raisons ne manquent pas, elles ne manquent jamais quand on en cherche : les seules qui nous importent ici sont d'ordre géographique et historique. Si l'Église chrétienne n'a qu'exceptionnellement dépassé le Tigre tandis que la Communauté bouddhique s'arrêtait aux bords de l'Hêlmand et du Murgh-âb, bref si elles n'ont pu victorieusement franchir à la rencontre l'une de l'autre une ligne idéale de démarcation définie à peu près, pour la première, par le 42° et, pour la seconde, par le 62° de longitude Est de Paris, il faut que quelque obstacle naturel les en ait empêchées : et quel peut être cet obstacle sinon justement le pays compris entre ces deux coordonnées, à savoir la Perse et, plus précisément, la Perse des Sassanides ? Telle est du moins l'explication qui s'offre immédiatement à nous et nous dispense d'en chercher de plus savantes ou de plus subtiles.

Prenons cette fois encore nos précautions pour tâcher d'éviter toute confusion. Nous ne venons pas prétendre que christianisme et bouddhisme, tout en s'infléchissant vers des points cardinaux opposés, ne se soient pas rencontrés en Irân et même dans la région indo-iranienne : nous nous disposons au contraire à montrer (infra, p. ego) que l'écran persan ne pouvait pas être et n'a pas été complètement imperméable. Il n'en reste pas moins que le pays resserré entre la Caspienne et le Golfe persique, et qui semble avoir été façonné par la nature pour servir de pont entre l'Asie orientale et le monde méditerranéen, s'est au me siècle dressé entre eux comme une barrière et, ce faisant, n'a pas peu contribué à creuser le fossé qui, à l'heure actuelle, sépare encore l'Orient de l'Occident. Le réveil national que personnifiait la dynastie sassanide était avant tout, ne l'oublions pas, une réaction contre le philhellénisme des Parthes et une restauration des vieilles doctrines mazdéennes. De même qu'au temps des Achéménides, le trône et l'autel s'étayaient réciproquement. Appuyé sur le divin secours d'Ormuzd, le roi de Perse se doit d'anéantir tous les adversaires de son grand dieu, comme le devoir de celui-ci est de l'aider à abattre tous les ennemis de son empire; et le contrat commença par être fort bien tenu, tant au point de vue politique que religieux. Tandis que la puissance royale étendait et consolidait à l'Est ses frontières et qu'à l'Ouest elle tenait victorieusement tête aux armées romaines, l'intolérance des Mages, en leur inter disant de son mieux le sol sacré de l'Irân, bridait à la fois l'expansion du christianisme vers l'Asie et celle du bouddhisme vers l'Europe. Évidemment il se produisit des fissures et l'on inventa des chemins détournés, puisque surgirent bientôt dans l'Inde et jusqu'en Chine des églises chrétiennes, tandis que des cénacles gnostico-bouddhiques se formeront en Syrie et en Égypte. La grande voie terrestre entre les deux moitiés de l'Ancien Continent n'en a pas moins été barrée à une époque décisive dans l'histoire des deux grandes religions universalistes de l'antiquité. Faut-il rappeler qu'à ce même moment (pour ne nous occuper ici que de la moitié qui nous concerne) la dynastie des Kushânas — la seule qui mérite vraiment le nom trop prodigué d'indo-scythe, puisque son domaine s'étendait des deux côtés des montagnes, d'une part sur le bassin de l'Indus et de l'autre sur celui de l'Oxus, sinon même du Tarim — contrôlait à la fois la route qui reliait l'Inde à Bactres et celles qui, de Bactres, se dirigeaient vers la Sérique. Après comme avant sa vassalisation par les Sassanides et qu'elle continuât ou non sa faveur au bouddhisme, elle tenait naturellement ces routes ouvertes, du Panjâb jusqu'au Turkestân, à la libre circulation de ses divers sujets. Obstrué d'un côté, invité de l'autre, il était fatal que le courant des missionnaires indiens (comme d'ailleurs celui des marchands et des émigrants) se déversât vers l'Orient : et c'est ainsi que la Bonne-Loi finira par conquérir jusqu'aux îles de l'Océan Pacifique.