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0121 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 121 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LES RÉACTIONS OCCIDENTALES SUR LE BOUDDHISME

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les vieilles traductions chinoises du texte ignorent ce passage. On devine sans peine que l'inter polation s'est faite dans le même pays qui a aussitôt reconnu dans Maitrêya le Saoshyant ou « futur sauveur » des Iraniens; et l'on sait quel rôle considérable joueront ces conceptions messianiques dans le bouddhisme postérieur (2).

Tout ceci nous amène au seuil de la seconde période que nous avons distinguée ci-dessus et à la création de divinités foncièrement nouvelles : car jusqu'ici il ne s'agissait guère que d

résonances mazdéennes éveillées dans la conscience religieuse du Nord-Ouest par les vieux thèmes hindous et qui n'ont pas peu contribué à les populariser. Voici à présent que ces thèmes mêmes se transforment. Au modèle accepté par les gens de l'Inde centrale de l'arhat, du saint égoïste uniquement préoccupé de son salut personnel, se substitue celui, infiniment plus recommandable à nos yeux comme à celui des Indo-iraniens, du Bodhisattva charitable qui se refuse à entrer dans l'insondable paix du Nirvâna par compassion pour les misères de l'humanité. Ces sortes de surhommes hautement évolués et éminemment altruistes, toujours prêts à mettre au service des dévots qui les invoquent les pouvoirs magiques dont ils disposent, ne tardent pas à être divinisés à leur tour : car on ne nous dissimule pas qu'une divinité vivante et capable d'exaucer une prière vaut mieux pour parer aux difficultés de la vie qu'un Buddha mort et, qui pis est, entré dans le Pari-nirvâna. A cette considération d'ordre pratique s'en ajoute une autre, d'un caractère plus relevé et encore plus révolutionnaire. Nous sommes, ne l'oublions pas, arrivés au moment où déferle sur tout l'Ancien monde, de façon de plus en plus consciente, la vague mystique qui, à la crainte des dieux, fondement des religions antiques, va substituer l'amour d'un Dieu. Or, qu'il s'adresse à Dieu ou à ses créatures, l'amour, pour ne pas se consumer stérilement lui-même, veut être payé de retour. Quelle réponse le dévot indien aurait-il pu attendre aux élans de sa piété fervente (bhakti) de la part d'un « Tathâgata totalement éteint » ? C'est ainsi que les « Buddhas en puissance » achevèrent de prendre le pas sur les « Buddhas accomplis » et que le culte des Bodhisattvas devint, comme le dira le pèlerin chinois Yi-tsing, le signe extérieur le plus caractéristique de la voie supérieure suivie par les Mahâyânistes (3).

Au risque d'anticiper sur les événements, il nous faut immédiatement insister sur le cas

de celui de ces dieux nouveaux qui était destiné à faire la plus belle fortune sur toute l'étendue de l'Asie bouddhique, jusqu'au Japon par la Chine, et par l'Indochine jusqu'à Java : nous voulons parler d'Avalokitêçvara ou, comme on a fini par l'appeler plus volontiers, de Lokêçvara, le « Seigneur du Monde ». Nous croyons en effet avoir depuis longtemps discerné en lui une contrefaçon bouddhique du Mahêçvara, auquel il a ostensiblement emprunté, outre l'élément essentiel de son nom, sa couleur blanche, son flacon d'ambroisie et jusqu'au mode de ses manifestations surnaturelles, Si au Gandhâra même il n'a pu, nous l'avons vu (p. 26o et 265), déloger son prototype de tous ses sanctuaires, il paraît en revanche s'être complètement annexé la contrée du Kapiça. Lors du passage de Hivan-tsang, il était en possession reconnue de la petite montagne, jadis dédiée à Indra, qui dominait à l'Est la capitale ; et la meilleure preuve qu'il y résidait à l'intérieur d'une image miraculeuse, c'est que des prières adressées avec une foi sincère obtenaient qu'il en sortît pour se révéler dans toute sa beauté aux yeux de son orant et le réconforter par de bonnes paroles. C'est là le leit-motiv de toute légende çivaïte. Aussi inclinerions-nous à localiser dans la région indoiranienne l'invention — ou plutôt le démarquage — de cette nouvelle déité qui, sous sa forme bouddhique, n'est guère plus ancienne que notre ère. Nous croyons même deviner au moins l'une des raisons de cette substitution. On se doute en effet que, tout séduits qu'ils fussent par la rayon-

nante douceur de la doctrine nouvelle, les gens du Nord-Ouest n'avaient pas renoncé sans regret à ce qui était pour eux une sorte de culte national. A cela on nous répondra ce que nous avons dit