National Institute of Informatics - Digital Silk Road Project
Digital Archive of Toyo Bunko Rare Books

> > > >
Color New!IIIF Color HighRes Gray HighRes PDF   Japanese English
0137 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 137 (Color Image)

New!Citation Information

doi: 10.20676/00000237
Citation Format: Chicago | APA | Harvard | IEEE

OCR Text

 

LES REACTIONS OCCIDENTALES SUR LE BOUDDHISME   303

jusqu'à nos jours grâce à son isolement insulaire, et a passé de là en Birmanie, au Siam, au Cambodge et au Laos; c'est ensuite que le bouddhisme modifié, tel qu'il a été ou est encore pratiqué en Asie Centrale et en Extrême-Orient, s'y est propagé à partir du Gandhâra, à travers la Bactriane et la Sogdiane, à la faveur de la fondation du grand empire barbare des Kushânas. Il devient donc évident que c'est dans ce pays, aux confins Nord-Ouest de l'Inde et à l'amorce des routes de la Haute-Asie, qu'a pris naissance et qu'à partir du He siècle de notre ère s'est affirmée la scission qui a coupé le bouddhisme en deux grands tronçons' nettement distincts. Car cette fois, il ne s'agit plus simplement de subdivisions sectaires du genre de celles qu'avaient déjà provoquées dans l'Inde centrale des discussions sur des points épineux du Vinaya ou du Dharma ; à présent c'est la conception même du salut et des moyens préconisés pour l'atteindre qui s'est complètement renouvelée au contact d'une autre civilisation.

Assurément, l'espèce de « plan des opérations » qui s'impose ainsi spontanément à nous est beaucoup trop schématique. Les manifestations de l'esprit humain, surtout en matière religieuse, ne sont jamais simples et l'on ne peut guère porter sur elles de jugement qui n'appelle aussitôt un correctif. Nous n'ignorons plus que jadis nombre de notions et d'images mahâyâniques se sont infiltrées en Indo-Chine et ont été convoyées à bord des navires jusqu'à Java. Nous n'oublions pas non plus que l'un des initiateurs du Mahâyâna, Açvaghosha, et son grand champion Nâgârjuna nous sont donnés comme originaires de l'Inde Centrale. Dans l'Inde du Nord elle-même, nous l'avons dit, l'importante secte hînayâniste des Mûla-Sarvâstivàdin, appuyée sur l'autorité de son canon rédigé en sanskrit, a longtemps prédominé et a dû opposer une forte résistance aux innovations des modernistes. Il semble que ce soient ses docteurs qui aient poussé Kanishka à prendre l'initiative de ce concile de Kaçmîr qu'on a pu comparer à celui de Trente, en ce sens que lui aussi a consacré la rupture qu'il prétendait éviter et permis à la « Réforme » bouddhique d'achever de prendre conscience d'elle-même. L'historien doit évidemment tenir compte de ces inévitables contre-courants; et, ainsi que le lecteur en a déjà été averti (supra, p. 284), il n'entre nullement dans nos intentions de passer sous silence et encore moins de nier les contributions de tout ordre, mythologique, « tantrique », « yoguique », philosophique, qui ont été apportées par l'Inde médiévale à ce déconcertant complexe de théories et de pratiques qu'on est convenu d'englober sous l'étiquette de « Grand véhicule ». Il n'en reste pas moins que la convergence constante des nombreux indices ci-dessus rassemblés et qui tous pointent vers le Nord-Ouest de l'Inde ne saurait nous décevoir. C'est par là, par le couloir de toutes les grandes influences comme de toutes les grandes invasions, qu'a pénétré l'esprit nouveau qui soufflait d'Occident ; c'est là qu'au sein d'une population des plus composites il a trouvé un terrain favorable pour les inspirations d'amour divin et de charité humaine, les promesses de prompt salut et les espoirs messianiques qu'il apportait ; c'est enfin de là que, comme d'une nouvelle Terre sainte, il a repris son vol, entraînant pêle-mêle avec lui, dans le sillage du néo-bouddhisme, manichéisme et nestorianisme jusqu'aux rives du Grand Océan. Comme nous l'avions naguère pressenti (24) et comme nous avons, croyons-nous, achevé de le démontrer, par bien des côtés — on pourrait même dire sous ses aspects les plus saillants et aussi les plus attrayants pour des gens qu'aurait rebutés une religion trop exclusivement et étroitement indienne — le Mahâyâna est moins un rejeton direct du vieux tronc magadhien qu'un provignement gandhârien de ce gnosticisme qui a gagné à partir de notre ère tout le Proche-Orient ; et c'est en définitive dans la région indo-iranienne qu'il faut aller chercher les origines des modifications doctrinales et disciplinaires comme des créations iconographiques qui différencient encore le bouddhisme dit « du Nord » de celui de la Basse-Asie.