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0120 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 120 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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286   LES PROPAGANDES RELIGIEUSES

et nous ne devons pas oublier que la transformation de ce Yaksha en une divinité suzeraine de tout l'univers sensible est chose faite dans le vieux canon pâli comme sur le jambage droit de la porte orientale du grand stûpa de Saiichî. Mais le duel qui oppose le Moine-Dieu à l'Esprit-de-Vie, masque du Démon de la Mort, prend désormais sur les images comme dans les textes une allure épique, voire cosmogonique ; et la grandiose mise en scène de ce combat, dont on feint un instant de croire l'issue incertaine, entre la solitaire incarnation du Bien et l'armée des puissances du Mal trahit de façon non douteuse l'influence du vieux dualisme iranien. Est-il besoin de rappeler d'autre part que le rôle de•Mâra comme tentateur a été inévitablement rapproché de celui que joue Satan dans la Bible et les Évangiles, et que sémitisants et indianistes se sont trouvés d'accord pour reconnaître le prototype de l'un comme de l'autre dans l'Aura Mainyu de l'Avesta, l'Ahriman des textes mazdéens postérieurs ? Il ne tiendrait même qu'à nous de pousser plus avant ces analogies et de reconnaître dans le Malin bouddhique le cousin du « Prince de la convoitise et de la séduction » des Manichéens, lui aussi chef d'une horde d'« archontes » libidineux (i).

Par une de ces contradictions ou, si l'on préfère ainsi dire, de ces contre-courants qu'on a si souvent l'occasion de relever dans toute évolution religieuse, le second trait le plus frappant du Mahâyâna, à côté de la déification et de l'idolâtrie du Maître, est le graduel retrait de ce dernier à l'arrière-plan du culte tant public que privé, dans le superbe isolement de son Nirvâna absolu. A la figure monacale du Buddha parfaitement accompli, la dévotion active des fidèles tend à préférer de plus en plus le type laïque du prince charmant qu'il fut au temps de sa jeunesse, alors qu'il n'était encore qu'un être prédestiné à la Bodhi (Bodhi-sattva). Comme le dira sans ambages le Kâçyapa-parivarta, « de même qu'on rend plus d'hommages à la nouvelle qu'à la pleine lune, de même il faut rendre plus d'hommages aux Bodhisattvas qu'aux Tathâgatas. Et pourquoi cela ? Parce que c'est des Bodhisattvas que les Tathâgatas tirent leur origine... » La raison n'est pas sans réplique ; elle a néanmoins suffi pour dévier de façon symptomatique la tardive composition des premières biographies du Buddha. C'est ainsi, par exemple, que le Lalila-vistara, après avoir prétendu hésiter sur la question de savoir si son héros deviendra finalement un Empereur ou un Sauveur du Monde, s'étend complaisamment sur les prodiges de son enfance et même les scènes de sa voluptueuse jeunesse pour s'arrêter court au seuil de sa carrière enseignante : nous sommes bien obligés d'admettre que la suite n'intéressait plus autant les lecteurs de l'Inde du Nord.

Les mêmes tendances laïcisantes ne tarderont pas à se marquer dans le développement que va prendre le culte du Bodhisattva Maitrêya. L'idée de la « généalogie » spirituelle des maîtres qui se passent d'âge en âge le précieux dépôt de la tradition était depuis longtemps naturalisée dans l'Inde; et les bouddhistes ont eu de bonne heure leurs vamça, tout comme les brahmanes ou les autres sectes rivales. Çâkya-muni ne saurait donc être le premier de sa lignée, et c'est pourquoi six Buddhas du passé ont été de bonne heure associés à son culte ; il ne saurait davantage en être le dernier, et c'est pourquoi son successeur doit déjà s'apprêter à prendre sa suite et à renouer le fil rompu de la prédication de la Bonne-Loi. Où ce dernier pourrait-il mieux attendre son tour que dans le paradis où résidait jadis son prédécesseur immédiat, au quatrième étage des cieux; celui des dieux «Satisfaits» (Tushita) ? Tout ce mythe était déjà courant dans la vieille Communauté, la nouveauté qu'y introduit le Nord-Ouest est d'abord dans le cérémonial qu'il imagine à l'occasion de la passation des pouvoirs. Il ne suffit plus que Maitrêya ait, comme de règle, reçu des Buddhas antérieurs la prédiction de sa future grandeur. Le Lalita-vislara veut à présent que le Bodhisattva Çvêtakêtu, avant de descendre une dernière fois sur la terre pour y devenir le Buddha Çâkyamuni, ait sacré de sa main son héritier présomptif et « qu'ôtant de sa tête son diadème il en ait couronné Maitrêya ». On a depuis longtemps noté que ce geste n'avait rien d'indien; et, de fait,