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0104 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 104 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LES PROPAGANDES RELIGIEUSES

AÇOKA ET LA CONVERSION DU BAS-PAYS. — Peu d'événements de l'histoire ancienne de l'Inde peuvent être datés avec une approximation aussi grande que le début de la propagande bouddhique dans le Nord-Ouest. Nous sommes sous le règne de Sa Gracieuse Majesté Açoka, le Favori-des-Dieux, en la treizième année après son sacre, donc en 25o avant notre ère ou environ. Cinq ans plus tôt l'empereur a conquis le Kalinga, et le spectacle des souffrances infligées aux vaincus par les massacres ou les déportations en masse l'a dégoûté à tout jamais de la guerre. Son repentir a orienté ses pensées vers le dharma (ce mot indien qui passe pour n'avoir pas d'équivalent dans nos langues parce qu'il connote à la fois les idées de loi, de devoir, de justice, de coutume, de vertu et de religion). Il en fait confession publique dans les fameux édits qu'il ordonna de graver sur le roc aux quatre coins de l'Inde et dont il sied tout de suite de noter que, sur les six éditions qui ont survécu jusqu'à nos jours, non moins de deux, celles de Shâhbâz-Garhî et de Mânsehra, se trouvent justement situées dans la région qui nous occupe. Qui mieux est, quand par son ye édit Açoka proclame l'institution des « surintendants du Dharma », chargés de faire régner l'ordre moral dans tout son empire, lui, « le Mâgadhien », réserve une mention particulière à ces « Yônas, Kambôjas et Gandhâras » que son grand-père Candragupta avait récupérés sur le premier Séleucide et qui, en leur qualité de peuples-frontières, avaient apparemment à ses yeux un particulier besoin d'être instruits ou maintenus dans le bien. Ce n'est pas tout encore : dans le XIIIe édit, l'empereur qui ne veut plus entendre parler que de conquêtes spirituelles et qui vient d'envoyer des « chargés de mission » (dûta) chez les cinq successeurs d'Alexandre, ses contemporains, n'a garde d'oublier dans son entreprise de propagation de la Bonne-Loi ces mêmes Yônas et Kambôjas qui font partie de son propre royaume. Et c'est ainsi que nous apprenons, sous la signature même du monarque qui les a envoyés, l'envoi, juste au milieu du IIIe siècle avant notre ère, des premiers missionnaires bouddhiques dans l'Inde du Nord (2).

C'est là un fait historique au premier chef, mais qui nous est livré, si l'on peut dire, à l'état brut. Il ne tient qu'à nous de l'entourer à présent de quelques précisions, et tout d'abord de savoir qui fut ou du moins qui passa pour avoir été le principal apôtre du Nord-Ouest. Les chroniques singhalaises nous ont en effet transmis son nom parmi ceux des autres doctes et saints personnages qu'à l'issue du troisième grand Concile, réuni par Açoka en sa capitale de Pâtaliputra, le vénérable Tissa Moggaliputta aurait par ordre impérial expédiés dans non moins de neuf directions pour prêcher le credo bouddhique; car avec les années le mot « Dharma » prenait dans l'esprit de l'empereur un sens de plus en plus sectaire : « Au Kaçmîr et au Gandliâra, dit le Mahâvamsa, il envoya le thêra Majjhantika. » Passons sur l'anachronisme que représente la mention du Kaçmîr, pays qu'Açoka, non plus qu'Alexandre, ne paraît pas avoir connu ; retenons seulement que les textes tibétains et chinois ont également conservé le souvenir de cette mission et la forme sanskrite du nom du missionnaire, le sthavira Madhyântika; car, compte tenu de la différence de leurs systèmes chronologiques, les deux traditions, celle du Sud et celle du Nord, sont d'accord sur le fond comme sur les variations légendaires dont elles n'ont pas tardé à l'enjoliver. Nous nous dispenserons naturellement de répéter les miracles à l'aide desquels le moine-thaumaturge obtint du premier coup d'innombrables conversions. Mais comment ne pas rappeler que la véracité foncière de ce chapitre du Mahâvamsa s'est trouvée inopinément confirmée par la découverte dans le stûpa n° 2 de,Sânchî d'un dépôt effectué six siècles avant sa rédaction ? Il s'agit, comme on sait, d'un coffre de pierre contenant à la fois, dans autant de cassettes de stéatite inscrites à leur nom, des reliques de Moggaliputa, d'un de ses délégués, Majjhima, et du compagnon de delui-ci, Kassapa, « le précepteur spirituel de la région himâlayenne » (3). Nous sommes ici sur un terrain que la piété des générations a pris soin de consolider; et, quand on y pense, c'est justement ce à quoi l'on pouvait s'attendre en passant des cultes