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0183 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 183 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LE MODELAGE

 

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Le petit joueur de double flûte de la pl. LVIII a passerait aisément pour provenir de Pompéi. Les guerriers moustachus des pl. XLVII et LVII b reproduisent le type gréco-romain du Gaulois. Plus loin, les moines bouddhiques et les anachorètes brahmaniques des pl. LX-LXII figureraient aussi bien sous les porches de nos cathédrales; celui de la pl. LXII a a même été expressément rapproché des Christs de Reims ou d'Amiens. Aussi bien voici que surgissent à côté d'eux les diables cornus, les gargouilles grimaçantes et les macabres squelettes de notre Moyen âge (pl. XCIX-CII). Deux surtout de ces démons, évidemment détachés d'un « Assaut de Mâra », l'un couvert d'une peau de bête fraîchement écorchée (pl. XLV) et l'autre soulevant à deux mains sa tête détachée du tronc et déjà exsangue (pl. C c), dépassent en horreur tragique toutes les figures de cauchemar de nos jugements derniers et de nos tentations de saint Antoine. Dans le genre réaliste, la tête de donateur de la pl. XLII évoque d'une façon aussi saisissante qu'inattendue un Tristan l'Hermite ou un Mienne Marcel. D'autres figurines ont un accent encore plus moderne : riantes ou rêveuses, impertinentes ou mélancoliques, douloureuses ou hilares, elles traduisent chacune à leur manière toute la série des sentiments humains; et devant cette évidente recherche de l'expression on a pu parler d'un « art baroque ». On le voit, toutes les époques et tous les styles d'Europe semblent s'être donné le mot pour défiler au hasard des planches que l'on tourne. Fait plus curieux encore, un simple « génie jetant des fleurs» (pl. LVII-LVIII) s'est imposé à l'attention avec tant de force personnelle qu'il s'est vu rapporté tour à tour, et chaque fois avec quelque raison, selon le biais dont on l'envisageait, à trois écoles et trois époques différentes. Son évidente ressemblance avec les portraits antiques d'Alexandre le Grand a suggéré à l'un une copie de l'école de Lysippe; son geste et les fleurs qu'il tient dans le sinus de son manteau ont rappelé à l'autre l'Antinoüs Vertumne du Musée de Latran ; pour couronner le tout, un expert bien connu de l'art italien de la Renaissance, à qui nous en avions communiqué une photographie, y a aussitôt dénoncé un pastiche de Jacopo della Quercia (42).

Bien entendu, étant données les circonstances de temps et de lieu, tous ces rapprochements ne sont guère plus pour l'instant que des amusettes de dilettantes ; et la première effervescence de surprise et d'admiration une fois tombée, on en viendra sans doute à une appréciation plus modérée, mais aussi mieux motivée, de la plastique gandhârienne en stuc et en argile. Quand on examinera à tête reposée l'ensemble de son oeuvre, on s'apercevra, ou nous serions bien surpris, que, pas plus du point de vue artistique que du point de vue iconographique, elle n'apporte par rapport à la sculpture sur pierre autant de nouveauté que d'abord l'on avait cru. Ainsi que l'a déjà fait remarquer Sir John Marshall, en abandonnant le style narratif des scènes légendaires pour cette profuse débauche d'icones, elle a du même coup perdu quelques-unes des meilleures qualités déployées par les sculpteurs des premiers siècles dans leurs tableaux d'histoire sainte, à savoir leur sens de la composition, leurs rudiments de perspective, leur jeu savant des attitudes et des mouvements; et elle apporte même beaucoup moins de raffinement et de variété dans le traitement des cadres empruntés à l'architecture. « On a, dit-il fort justement, l'impression que les plus anciennes sculptures sont l'oeuvre d'artistes intelligents et experts, qui travaillaient avec autant de conscience que de soin en se conformant aux principes traditionnels de leur corporation tandis que les morceaux de stuc sont l'ouvrage d'artisans habiles, doués d'une dextérité remarquable et complètement maîtres de leur matière, mais n'ayant pas une conception très relevée du but et des objets de l'art. » Ajoutons que non seulement la régulière beauté des masques des innombrables Buddhas, mais encore beaucoup des réminiscences les plus frappantes de l'art antique trouvent leur explication, ainsi que nous l'avons fait remarquer ailleurs, dans l'emploi actuellement démontré de moules qu'on se passait d'une génération à l'autre (43). Mais toutes ces restrictions faites,