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0201 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 201 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LA RÉGION INDO-IRANIENNI:   367

après qu'il s'est retiré, les mêmes configurations politiques se reformer spontanément sur les cartes, ainsi que sur nos plages, après que la grande marée d'équinoxe a tout nivelé en passant, recommencent à se dessiner les mêmes bancs de sable.

Qu'arrive-t-il en effet ? Le grand aventurier turcoman n'est pas plus tôt rentré en Perse pour y périr assassiné qu'un de ses condottieri afghans, le Durânî Ahmed, à qui le rapt d'un convoi

du pillage de Delhi a fourni le nerf de la guerre, en profite pour se créer un royaume entre Inde et

Irân : mais quel royaume, sinon justement celui de Dèmètrios et de Gondopharès, de Mihirakula et de Mahmûd de Ghaznî ? Ainsi se ressoude une fois de plus sous nos yeux l'ondoyante unité

politique de la région indo-iranienne. Ahmed-Shâh Durânî ne put faire davantage et restaurer, quand il y était, l'empire de Kanishka, des Ghorides et des Grands-Moghols : car, moins heureux en cela que Bâbur, en dépit de son écrasante victoire de Pânipât (troisième du nom) remportée le Ier janvier 1761 sur les Confédérés Mahrattes, il ne réussit pas à obtenir de ses soldats afghans qu'ils consentissent à lui assurer la possession de l'Hindûstân au delà de la saison froide. Bientôt, abusant de la faiblesse de ses successeurs, un.petit chef Sikh aussi astucieux qu'énergique parvient au début du xlxe siècle à établir sa suprématie sur tout le Paiijâb; mais, cette fois encore, qu'est-ce à dire, sinon que Ranjit Singh reconstitue le royaume des Euthydèmides en face d'un Afghânistân réduit aux domaines de la maison d'Eukratidès ? Toutefois — et l'observation ne vaut pas moins la peine d'être notée — s'il réussit tout comme Ménandre à reprendre pied sur la rive droite de l'Indus, il lui faut renoncer à dépasser au Sud-Est la fameuse ligne de l'Hyphasis (Biâs-Satlaj) : car la Compagnie anglaise, dès lors maîtresse de l'Hindûstân, le lui interdit par la voix de Lord Min-to (1809). C'est l'instant de nous rappeler que là se trouve, en effet, dès l'antiquité la limite de ce que nous avons appelé l'Inde extérieure, la seule qu'aient atteinte aussi bien les Achéménides qu'Alexandre, Mihirakula ou Tamerlan; et si, par exception, les Indo-Grecs et les Indo-Kushâns l'ont un moment franchie, ils y ont été vite ramenés, et c'est la seule qu'ils aient jamais tenue de façon durable. Inversement, c'est là que s'arrêtait jadis l'empire des Çuingas, comme, au temps des Sassanides, celui des Guptas, puis de Harshavardhana, et plus tard de Bhoja. C'est toujours là, dans la zone indécise entre les bassins de l'Indus et du Gange, que commence ou finit, selon la direction suivie par le voyageur sur la grand-route du Nord-Ouest, l'Inde proprement dite, à savoir celle « du Milieu ». L'idée que l'Hindûstân avait là sa frontière était si bien ancrée dans les esprits que jusqu'en 1901 (cinquante ans après l'annexion du Panjâb à l'Inde britannique !) les districts d'Allâhâbâd, de l'Aoudh, d'Agra et de Delhi étaient encore connus sous la désignation officielle de « Provinces du Nord-Ouest ». Il a fallu l'organisation sur l'Indus de la nouvelle et véritable « North- West-Frontier Province » pour que cette appellation désuète fût changée en celle moins compromettante de « Provinces-Unies » : si tenacement le passé se survit dans le présent.

Mais revenons à l'Afghânistân, puisque aussi bien ce pays a été le principal objet de nos recherches. Ce n'est pas ici le lieu de retracer son histoire mouvementée. Tous les atlas indiquent à quoi les expéditions britanniques de 1839-42 et de 1878-80, puis les Commissions de délimitation anglo-russe (1885-7), anglo-persane (1872 et 1902-4) et anglo-afghane (1894-6) ont finalement réduit le vaste royaume forgé à grands coups de sabre par le Durânî. Il n'a pas dépendu de la dynastie des Kâjars qu'Hérât ne redevînt persan, ni de Lord Lytton que Kandahâr et Kâbul ne fussent érigés en principautés distinctes. Mais enfin, contre vents et marées, l'Afghânistân d"Abd-urRâhmân a subsisté et sa complète indépendance a été reconnue par le traité de Rawal-Pindî (1921). Tel quel, il illustre un cas des plus instructifs pour le géographe comme pour l'historien. De même qu'au centre de l'Europe le massif des Alpes helvétiques, le noeud des montagnes afghanes a favorisé la constitution au coeur de la Moyenne Asie d'un groupe polyglotte de tribus disparates, plus ou