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0170 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 170 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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336   LES INFLUENCES ARTISTIQUES

recommande à ce propos la plus extrême réserve. Les monnaies d'Azès et d'Azilisès présentent en effet le motif de la femme douchée par deux éléphants qui, à Barhut comme à Sânchî, sert à représenter de façon symbolique la Nativité du Buddha : si dans le Nord-Ouest, ainsi qu'il est vraisemblable, ce motif avait au même moment le même sens, il nous fournirait la preuve que dans le dernier quart du Ier siècle avant notre ère, le répertoire bouddhique de l'Inde centrale n'avait pas encore été entièrement aboli au Gandhâra (2.7).

Il semblerait ainsi que, de quelque côté que nous nous tournions, nous nous heurtions à une contradiction flagrante entre le témoignage des rares monuments conservés et les conclusions auxquelles les considérations historiques conduisent l'indianiste aussi bien que l'helléniste. Mais en fait, il n'en est rien, et la solution de la difficulté s'offre d'elle-même : elle consiste simplement à séparer deux moments bien distincts dans la question de l'image du Buddha. Les critiques d'art qui, par amour-propre d'oriental ou d'orientaliste, ont cru devoir contester si véhémentement l'origine hellénistique de la figuration du Moine-Dieu n'avaient négligé qu'un point, pourtant capital : c'est à savoir le long intervalle qui s'est forcément écoulé entre le premier essai, sans doute simplement dessiné ou peint et tenté à titre purement privé, et la diffusion quasi industrielle des statues de pierre, les seules (ou peu s'en faut) que nous ayons conservées. Tout d'abord, le modèle resté consacré jusqu'à ce jour dans toutes les pagodes d'Extrême-Orient, parce que son caractère hybride satisfaisait à la fois le sens esthétique des uns et les scrupules traditionnels des autres, n'a pas dû être réussi du premier coup. En second lieu, la complète réfection de l'imagerie bouddhique que détermina son adoption, et qui reflète la substitution d'un véritable culte de latrie à la simple vénération de la mémoire du Maître, ne s'est pas davantage opérée en un jour. Il ne faut pas non plus sous-estimer l'opposition que ces innovations ont rencontrée de la part des vieux bonzes conservateurs et des laïques misonéistes. Ajoutons enfin tout le temps perdu au cours de l'invasion scythique par la génération sacrifiée sur laquelle s'appesantit le destin : car si cette invasion, comme nous l'avons dit et comme nous le croyons, a fini par favoriser le triomphe de l'école nouvelle, ce ne peut être qu'après qu'elle eut cessé de bouleverser le pays et que, le calme revenu, habitants et immigrants s'associèrent pour réparer ses ravages. Bref, entre la création du prototype du Buddha et sa fabrication en série, il nous apparaît qu'il n'a pas dû s'écouler beaucoup moins d'un siècle : et cette simple remarque achève de couper court à la théorie d'un « Urtypus » indien élaboré à Mathurâ antérieurement à l'image gréco-bouddhique (28).

Ceci posé, nous pouvons d'autant plus aisément imaginer ce qui s'est alors passé dans les ateliers gandhâriens que les mêmes faits se sont reproduits deux siècles plus tard dans ceux de Dhânyakataka, à l'occasion de la réfection que subit alors le stûpa d'Amarâvatî : nous voulons parler de la bataille longtemps indécise, qui s'est livrée là comme ici, entre les deux répertoires. A la vérité, au Gandhâra même, nous ne saisissons d'autre vestige de l'ancien fonds que les survivances qu'il a laissées dans le nouveau : mais en pays Andhra nous les rencontrons côte à côte, parfois même sur la même stèle, et nous surprenons en cours d'opération la substitution du second au premier. Soyons-en assurés : pas plus dans le Nord-Ouest que dans le Dékkhân, ce n'est pas du premier coup que les vieilles formules allégoriques cédèrent le pas au style direct, et que la Nativité avec l'enfant, le Grand départ à cheval avec le cavalier, l'Illumination avec l'illuminé, la Première prédication avec le prêcheur, etc., remplacèrent dans l'imagination des fidèles comme sous le ciseau des sculpteurs les représentations aniconiques en honneur jusqu'alors. Longtemps dut se prolonger la compétition entre les deux modes de figuration de la légende sacrée, avec ou sans la figure du Buddha (29). Faut-il croire à la concurrence entre ateliers rivaux ou à des dissensions au sein des anciens ateliers ? Devons-nous évoquer des surenchères entre donateurs autochtones, par-