National Institute of Informatics - Digital Silk Road Project
Digital Archive of Toyo Bunko Rare Books

> > > >
Color New!IIIF Color HighRes Gray HighRes PDF   Japanese English
0109 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 109 (Color Image)

New!Citation Information

doi: 10.20676/00000237
Citation Format: Chicago | APA | Harvard | IEEE

OCR Text

 

LA PROPAGANDE BOUDDHIQUE

droite », entendez « juste, correcte »; 20 que son équivalent indien désigne la seconde branche de l'octuple chemin du salut dans la formule du credo bouddhique; 30 et que, cette résolution si recommandable consiste, au dire des anciens commentateurs, à mettre et à garder sa foi dans le premier terme de la même série, samyag-drishti (pâli : sammaditthi, en grec « euthudoxia »), c'est-à-dire dans la « Droite » ou « Vraie Doctrine », autrement dit dans le Sad-dharma que, depuis Eugène Burnouf, on traduit en français par la « Bonne-Loi » et qui était l'appellation donnée par les bouddhistes à leur système philosophico-religieux. Or, nous le savons par le précédent de Prophthasie, l'usage chez les Grecs n'était de surnommer une ville qu'à raison de quelque événement sensationnel dont elle se trouvait avoir été le théâtre. Comment, dès lors, ne pas être tenté de voir dans ce sobriquet inattendu (et, autrement, incompréhensible) une sorte d'aveu public de l'adoption par leur chef de la Bonne-Doctrine, et l'écho de la sensation que cette conversion produisit dans la colonie étrangère du Panjâb ? A la vérité elle n'entraînait aucune conséquence pratique et ne supposait de la part de Ménandre aucun reniement de sa divinité favorite (son ishta-devatd, comme disaient ses sujets indigènes), Pallas-Athènè, d'ailleurs spirituellement si voisine de la Prajnâparamitâ indienne : elle n'en fit pas moins sursauter l'orgueil hellénique. De même que Prophthasie, i. e. Alexandrie de Drangiane, restait (la ville où, grâce à sa découverte anticipée, avait eu lieu) « la Prévention » (du complot ourdi par Philotas contre la vie d'Alexandre), de même Euthymèdie devint (la ville où Ménandre avait pris) « la Bonne-Résolution » (d'adhérer à l'orthodoxie bouddhique) : car le sel de ces sobriquets n'est pas dans ce qu'ils disent, mais dans ce qu'ils sous-entendent. En ce cas particulier on peut d'ailleurs supposer un jeu de mots, ou plutôt de syllabes, sur le nom des dynastes Euthydèmides, ce qui achèverait d'expliquer le choix, comme surnom, de ce terme technique et le durable succès qui lui fut fait (Io).

Cette série de déductions s'enchaîne de façon assez rigoureuse; mais, hâtons-nous de le reconnaître, c'est une entreprise désespérée que de prétendre lire dans la conscience d'un homme mort depuis plus de deux mille ans et qui ne nous a laissé aucune confession écrite. Pouvons-nous pénétrer plus sûrement dans le secret de sa politique ? On a soupçonné en effet que les égards.témoignés par Ménandre au bouddhisme n'étaient pas purement désintéressés ; et, après tout, la conciliation d'une large part des habitants de ses récentes conquêtes aurait bien pu lui paraître valoir une procession autour d'un stûpa. Des trois seules classes sociales avec lesquelles il avait à compter, deux, la noblesse d'épée (kshatriya) et le clergé brahmanique — les ralliements intéressés mis à part — lui étaient d'avance et foncièrement hostiles : il ne pouvait espérer s'appuyer que sur la bourgeoisie des villes, éprise avant tout, pour les besoins de son commerce, d'ordre et de stabilité. Or, tout justement, ce sont ces guildes de marchands et de banquiers qui formaient le noyau le plus influent de la clientèle de la Communauté bouddhique; et c'est cette Communauté que

son esprit de prosélytisme prédisposait le mieux à entrer en contact avec les nouveaux maîtres du pays : si bien que les deux tendances à l'accommodement, la grecque et l'indienne, allaient pour une fois au-devant l'une de l'autre sur le terrain solide d'une identité d'intérêts. Ce n'est pas tout. Hellénistes et sinologues ne nous ont pas laissé le soin de remarquer à quel point les circonstances historiques favorisaient un tel rapprochement. La tradition conservée tant par les œuvres littéraires que par les purâ/aa place à ce moment, vers 185 avant notre ère, le remplacement de la dynastie des Mauryas par celle des Çungas; et le premier de ceux-ci, Pushyamitra, par réaction contre ses prédécesseurs, se serait empressé de persécuter la Communauté bouddhique. Il aurait même, spécifie le Divyâvaddna, poussé son entreprise de destruction des couvents et d'extermination des moines jusqu'à Çâkala. Or, c'est ce Pushyamitra dont Ménandre pourchassa les armées jusque dans le bassin du Gange et auquel il ravit de manière durable le Panjâb. La

275