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0144 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 144 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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310   LES INFLUENCES ARTISTÎQUES

nous lance en se retirant le vers fameux : « Devine si tu peux et choisis si tu l'oses... ». L'histoire va fort heureusement nous permettre de relever ce défi.

Plaisons-nous à reconnaître que les premiers et les plus forts arguments qui viennent aussitôt à l'esprit des Européens imbus de leur culture classique plaident tous en faveur de la Bactriane. Qui ne sait parmi nous que cette satrapie fut celle qui, en sa qualité de marche-frontière contre le perpétuel danger scythe, reçut de beaucoup le plus grand nombre de colons grecs, recrutés par ordre parmi les vétérans et les soldats malades ou fatigués de l'armée d'Alexandre ? Et si, à la nouvelle de la mort de ce dernier, plus de 20.000 d'entre eux tentèrent de s'en échapper pour retourner chez eux et furent sans pitié exterminés en route, il en resta assez pour que leurs chefs pussent reprendre à leur compte le vieil esprit de rébellion qui avait de tout temps couvé dans la satrapie sous les Achéménides : tant et si bien qu'à titre de dépendance des Séleucides ou de royaume plus ou moins émancipé, celle-ci n'a pas connu, entre la conquête macédonienne au printemps de 328 et la retraite d'Hèlioklès devant les Nomades vers 13o avant J.-C., moins de deux siècles de domination grecque. Ajoutez qu'elle a donné assez de preuves de sa force et de sa richesse en colonisant à son tour, ainsi que nous l'avons vu, l'Inde du Nord et même de l'Ouest : et ainsi vous comprendrez qu'au début des études relatives à l'art indo-grec un symposium d'orientalistes et de fonctionnaires anglais de l'Inde ait pu décider de donner de préférence à cet art le nom de gréco-bactrien, et que, par le jeu de bascule si fréquent dans les théories scientifiques, cette appellation tende à revenir à la mode (6). A présent que nous croyons mieux connaître et le terrain et l'histoire ancienne de l'Oxiane, il n'est peut-être pas trop tard pour faire une bonne fois justice d'un préjugé erroné en démasquant le sophisme inconscient sur lequel il repose.

De quoi s'agit-il en effet ? De démontrer que des œuvres d'art et des artistes grecs ont pénétré jusqu'en Bactriane ? En ce cas les raisons que nous venons d'énumérer sont parfaitement valables, nous dirons même qu'elles sont nécessaires pour expliquer la création et la multiplication du superbe monnayage des dynastes de la maison d'Euthydème et de celle d'Eukratidès. De toute évidence ces condottièri parvenus, confrontés avec la nécessité de battre monnaie (car on ne peut se dire roi qu'à ce prix), ont trouvé l'occasion bonne pour perpétuer de la manière la plus flatteuse leurs traits et leurs noms avec l'image de leurs divinités protectrices : aussi n'ont-ils pas lésiné pour se procurer les services des meilleurs graveurs en médailles que connût alors l'Ancien monde; et ils ont ainsi doté la postérité d'une admirable série numismatique. Sur ce point tout le monde ne peut que tomber d'accord : les trouvailles archéologiques ont démontré de la façon la plus péremptoire que des artistes grecs de premier rang ont travaillé en Bactriane à des besognes répondant à des nécessités politiques. Mais qu'est-ce que cela prouve pour le sujet qui nous occupe ? — Autant dire rien.

Tout d'abord, si l'on nous permet ici une parenthèse, une première réserve s'impose. Avec quelque instance qu'on tâche . d'exprimer le suc des faits connus, on est toujours ramené à ceci que nous connaissons à des milliers d'exemplaires de magnifiques médailles qui prennent rang parmi les chefs-d'œuvre de l'art grec et qui ont été frappées en Bactriane pour les besoins officiels d'un nouveau régime ; un point, et c'est tout. Quelle trace avons-nous, architecturale, sculpturale, picturale ou simplement textuelle que les mêmes sel/-made Basileis aient pour leurs convenances personnelles appelé à leur cour des artistes autres que des graveurs et patronné des formes d'art d'un caractère plus désintéressé ? •— La réponse est, hélas, que nous n'en avons aucune : et du même coup l'on s'aperçoit de la vanité du mythe qui trône encore en si belle place dans les manuels d'archéologie orientale, nous voulons dire l'existence d'une école gréco-bactrienne, avec tout ce que l'on entend sous ce mot. Ceux qui l'emploient ne veulent pas en effet parler des quelques