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0177 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 177 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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L'ÉVOLUTION DE LA SCULPTURE   343

exemples typiques de ce qui se sculptait alors, deux idoles évidemment tardives, sorties des dernières fouilles de Takht-î-Bahî, et d'autant plus intéressantes à nos yeux que, procédant (avec des détails plus ou moins aberrants) de la formule du « Grand prodige », elles constituent elles-mêmes des « têtes de série » pour leurs congénères de la Haute et Basse-Asie. La première nous montre le Buddha vêtu jusqu'au cou, en méditation (et non enseignant), et assis sur un trône (et non sur le lotus magique) ; sur les deux côtés de la stèle sont assis en bas deux Bodhisattvas mal caractérisés, et au-dessus deux divinités debout, d'aspect banal, tiennent chacune une guirlande. Ce sont là autant de traits nettement archaïsants ; en revanche, de part et d'autre de la figure centrale qu'elles auréolent, sont rangées en éventail, comme autant d'émanations irradiées par elle, huit figurines représentant sans doute les sept « Buddhas humains » de notre âge du monde en compagnie du Messie Maitrêya, et cette bizarre disposition, laquelle peut d'ailleurs se relever sur des stèles relativement plus anciennes, est visiblement à l'origine des compositions encore plus fleuries que Sir Aurel Stein a exhumées des sables de Rawak près de Khotân et qu'Albert Grünwedel a signalées à Qyzyl, près de Kuca (cf. AgbG., fig. 78-9 et II, p. 69o). Voici enfin l'innovation la plus originale et destinée à rester la plus durable : autour du parasol, décoré d'un croissant de lune, qui s'étale au-dessus de la tête du Maître, cinq Buddhas assis dans les airs sur des lotus ne peuvent être que les Dhyâni-Buddhas en qui nous avons ci-dessus (p. 288) reconnu la contrepartie des Amshaspands mazdéens. L'autre image (AgbG., fig. 485), beaucoup plus sobre, nous montre le Buddha enseignant, l'épaule droite découverte, entre deux Bodhisattvas debout sur des lotus, qui tiennent déjà les attributs caractéristiques de Maitrêya et d'Avalokitêçvara : mais elle porte encore plus clairement la marque de l'influence sassanide dans la pose qu'elle assigne au Maître. Ce détail, qui frappe à peine l'ceil des Européens, ne témoigne de rien moins que d'une révolution dans l'iconographie bouddhique. Pour la première fois le Çâkya-muni renonce à s'accroupir dans la posture traditionnelle des yogin de l'Inde pour s'asseoir à notre mode; et la façon dont il se tient assis bien carrément, de face, les genoux écartés et un tabouret sous les pieds, montre aussitôt que le sculpteur s'est inspiré des représentations des rois sassanides. Ce n'est pas que nous oubliions l'existence à Mathurâ de statues de dynastes kushânas assis de même sur leur trône : mais, cette fois encore, il aura fallu attendre que la tradition cédât à l'influence des concepts nouveaux et qu'une association d'idées fût devenue courante entre la notion des « Buddhas de majesté » et la pompe des effigies royales. Nous ferions donc volontiers descendre la création du type jusqu'au Ive siècle, c'est-à-dire jusqu'au temps auquel M. J. Hackin rapporte également les peintures qu'il a découvertes à Dokhtar-é-Naushirvân et qui nous montrent un prince sassanide pareillement assis. Notons que les deux figures de stuc affectant la même pose qui ont été trouvées à Jauliân, près de Taxila, voisinaient avec des monnaies kushâno-sassanides. Une dernière raison milite en faveur d'une date assez basse. On sait avec quelle rapidité les modèles nouveaux, une fois adoptés par la communauté, se propageaient grâce à l'imagerie colportée par les pèlerins, laïques ou moines, d'un bout à l'autre du monde bouddhique : or, ce n'est que sous les Guptas que nous voyons les Buddhas « assis à l'européenne » — c'est « à la sassanide » qu'il eût fallu dire — apparaître tant à Bénarès qu'à Ajantâ, d'où ils pénétreront bientôt jusqu'en Chine et jusqu'à Java (36).

Nous gagnons ainsi de proche en proche les débuts du ve siècle, lequel a coïncidé avec la grande destruction des sanctuaires et des monastères du Gandhâra par les Huns Hephtalites, et nous n'avons aucune raison pour poursuivre plus avant l'histoire de la sculpture gandhârienne; car celle-ci n'a sûrement pas participé à ce que nous avons appelé ailleurs la « survie de l'école » sous la pieuse domination des Turcs convertis au bouddhisme. Beaucoup diront peut-être qu'il n'y a guère lieu de le regretter, au point où elle était déjà tombée. Il est certain qu'elle semble