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0198 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 198 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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CONCLUSIONS

— autrement dit dans un des dialectes du Nord-Ouest de l'Inde — la racine fav, inusitée en sanskrit, était employée pour désigner l'action de « se mouvoir » : or cette racine sav, d'usage courant avec cette acception en avestique comme en pehlvi ,survit jusqu'à nos jours en persan dans la conjugaison du verbe shudan. D'autre part, bien que le nom de l'alphabet kharoshthî ait été estropié au point de devenir inintelligible et ait par suite fourni matière à bien des suppositions, nous pensons avec M. Przyluski que le plus simple est de le ramener à une étymologie iranienne et d'y voir l'écriture sur khara-post, « la peau d'âne », ainsi que nous appelons aussi le parchemin. Dans les inscriptions même d'Açoka les mots dipi et nipista sont manifestement empruntés au perse, tout comme le formulaire de ses édits (4). Toutefois, quand le vice-roi de Taxila reçoit l'ordre de porter à la connaissance de ses administrés les proclamations du grand empereur magadhien, s'il doit employer l'écriture kharoshthî sous peine de n'être pas lu, c'est en moyen-indien du Nord-Ouest que, pour être compris de ses lecteurs, il en publie le texte : preuve qu'à défaut du sanskrit devenu archaïque, le moyen-indien s'était vigoureusement maintenu dans l'usage local. Qu'il en fût de même non seulement dans la patrie de Pânini, mais sur tout le versant sud de l'Hindûkush à partir du Kapiça, c'est ce que va nous attester pour bien des siècles l'usage que les rois et satrapes grecs, parthes, scythes ou tokhâres, aussi bien que leurs sujets, continuent à faire de ce prâkrit, les uns sur leurs monnaies bilingues, les autres sur les inscriptions votives qui ont été retrouvées du Vardak à Mânikyâla.

Ici intervient un épisode qui parut non moins surprenant aux yeux des contemporains qu'aux nôtres. A la faveur des progrès accomplis par l'hellénisation de l'Asie antérieure, le grec commun a failli être appelé à jouer dans le Moyen-Orient, aux environs de notre ère, le rôle de langue internationale des affaires diplomatiques ou commerciales qui devait plus tard échoir au persan; et, détail accessoire mais non sans valeur indicative, l'alphabet grec plus ou moins défiguré persistera jusque sur les dernières monnaies kushâno-sassanides. Mais, qu'on doive ou non le regretter, cette mode fut brève ; et Sénèque était bien inspiré quand, dans sa Consolation à Helvia, il cite comme un exemple de l'instabilité des choses humaines « cette langue macédonienne qui se parle entre Perses et Indiens ». Assurément les drogmans en toutes langues n'ont jamais fait défaut en Orient : mais dès le ne siècle de notre ère, à partir du moment où les barbarismes se glissent'dans les légendes des monnaies parfiles, la « koinê » sort de l'usage courant aussi bien en Irân que dans l'Inde occidentale, sauf toutefois dans les cercles et chancelleries de la cour sassanide et sur les quais des ports de la mer Erythrée : car Shâpur Ier affiche encore des inscriptions bilingues, et Kosmas Indikopleustès est le contemporain de Song Yun.

En revanche, une sorte de pehlvi est dès lors en train de s'étendre vers l'Est le long des routes afghanes. A lire attentivement Hivan-tsang, on recueille l'impression qu'au Kapiça il a traversé une double frontière linguistique. Il a pris soin de nous avertir lui-même que l'idiome local de la conversation n'y est plus celui du Tokhârestân : mais que ce ne soit pas non plus un dialecte indien, c'est ce dont, sans le vouloir, il nous apporte la preuve. Fier de sa connaissance de la langue sacrée de l'Inde, et suivant une manie fréquente chez les sanskritistes, quand on lui donne pour l'une des collines des environs de Kâpiçî le nom de Pilu-sâr, il lui fabrique à toute force une étymologie sanskrite : « Pîlu-sâra = suc, essence ou énergie d'éléphant ». Mais quand il nous explique ensuite qu'au dire des indigènes le génie du lieu se présentait « sous la forme d'un éléphant », comment ne pas se souvenir dès l'abord avec E. J. Rapson de la protomè ou de la tête d'éléphant qui achève d'identifier certaines monnaies d'Eukratidès et d'Antialkidas comme ayant été frappées à Kâpiçî ? Comment ne pas rapprocher ensuite, ainsi que nous l'avons fait plus haut (p. 256), la falaise rocheuse affectant l'apparence d'un avant-corps d'éléphant que signale au