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0184 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 184 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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3.50   LES INFLUENCES ARTISTIQUES

il n'en reste pas moins que la plupart des petites têtes ont été exécutées à main levée, d'un ébauchoir aussi preste que sûr, et que tous ces menus chefs d'oeuvre dénotent chez leurs auteurs un indéniable talent. Ils nous prouvent du même coup que jusqu'à l'arrivée des Huns une étourdissante virtuosité était restée monnaie courante dans les ateliers gandhâriens; et pour cette branche de l'école il n'est plus permis de parler de décadence et de mort lente. Elle a péri en pleine vigueur sous les coups haineux d'un incendiaire et d'un égorgeur acharné à la détruire à la fois dans son

oeuvre, dans ses ouvriers et jusque dans ses clients; mais, néanmoins, elle a obstinément poursuivi sa destinée dans le reste de l'Inde du Nord et continué à exercer son influence aussi bien sur la péninsule que sur la Haute-Asie.

Il devient donc incontestablement nécessaire de réviser l'idée que nous nous faisions naguère de l'histoire de l'école du Gandhâra quand nous n'entendions sous ce nom que la sculpture sur pierre, la seule (ou peu s'en faut) qui la représentât alors aux yeux de la postérité. Toute la question est de savoir jusqu'où doit s'étendre ce travail de révision. Consistera-t-il, conformément à l'éventualité que nous examinions tout à l'heure, à scinder l'école en deux tronçons indépendants l'un de l'autre et à séparer complètement les destinées de la sculpture et du modelage, celui-ci se substituant à celle-là à partir de la fin du me siècle ? Ou devrons-nous, au contraire, renverser de bout en bout l'idée que nous nous faisions, il n'y a qu'un instant, de l'évolution de la sculpture et, pour l'accorder avec celle du modelage, faire remonter d'un mouvement continu la courbe qui nous est apparue comme constamment déclinante — bref, placer les meilleures oeuvres à sa fin au lieu de son début ? — Nous avouons ne pouvoir nous ranger ni à l'un ni à l'autre de ces deux partis. Il n'y a eu qu'une école du Gandhâra : un changement de matière ni de manière ne suffit pas à compromettre son unité; et c'est d'ailleurs un fait patent que la plastique de la pierre et celle du stuc ont été appliquées côte à côte à la décoration des mêmes fondations religieuses. Mais aucune loi écrite ou non écrite n'a jamais prescrit que toutes les branches d'une même école doivent toujours partager exactement le même sort. Jusqu'à preuve du contraire, nous continuons donc à écouter docilement, à propos de chacune d'elles, la voix de nos documents. Or ce que ceux-ci nous apprennent, c'est que dès le He siècle de notre ère la numismatique, et aussi la glyptique, sans doute à raison de leur technique spéciale, ont commencé à se barbariser ; et qu'à leur exemple, dès le siècle suivant, la sculpture sur pierre est entrée en agonie. Mais la générosité des donateurs suffit encore à alimenter le métier moins difficile et moins coûteux du coroplaste (et aussi, soyons-en persuadés, du peintre). Sujet d'émerveillement non moins grand que la naissance même de l'école, voici que celle-ci, sous cette forme réduite, continue à évoluer avec une nouvelle vigueur selon ses lois propres et peut-être à produire ses fruits les plus savoureux. Chacun doit reconnaître, et moins que personne nous songerions à contester qu'à travers tout son surabondant bagage de redites, de moulages et de clichés il passe un tel souffle d'émancipation et de spontanéité, de sensibilité et d'humour, que ses variations sur les thèmes traditionnels équivalent souvent à des créations originales. L'inspiration hellénistique qui se devine encore dans ces charmantes figurines n'a plus rien dans leur cas d'une imitation servile. Complètement assimilée, elle se transforme à son tour au gré des aspirations nouvelles de la religiosité comme du sens esthétique ; et c'est sans doute pour cela que, tandis que devant les peintures d'Ajantâ on songe aux fresques de Ghirlandajo, la vue des épaves sauvées du grand naufrage de la plastique gandhârienne fait surgir tant de réminiscence de notre art roman ou gothique, voire même du Quattrocento. En fait, ainsi que nous l'avons de bonne heure pressenti, l'art gréco-bouddhique et l'art gre'co-chrétien, entés sur le même tronc, ont suivi en Orient comme en Occident un développement à peu près parallèle : seulement le premier a été plus hâtivement mûri par le soleil des Tropiques (44).