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0200 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 200 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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CONCLUSIONS

et tantôt à l'Hindûstân, elle demeure toujours en marge de l'une comme de l'autre, c'est chose entendue : mais ce n'est pas tout. Non contente de se fendre du Nord au Sud en deux lisières, l'une plus iranienne et l'autre plus indienne, elle tend déjà à se partager, comme ces tapis que l'on appelle chahâr-bâgh, en quatre enclos distincts. A l'Est, le Panjâb et le Sindh formaient, on s'en souvient, dès le temps des Achéménides et d'Alexandre deux satrapies séparées. Au lendemain de la dernière invasion barbare, Hivan-tsang trouve le bassin de l'Indus partagé entre des royaumes indépendants aussi bien à l'égard de Yazdgard III que de Harshavardhana, mais appartenant comme toujours à deux Indes différentes, celle du Nord et celle de l'Ouest : seulement celles-ci empiétaient encore largement sur la rive droite du fleuve comme si elles ne se contractaient qu'à regret en deçà des anciennes limites de l'Inde blanche (supra, p. 237). Trois siècles après la conquête arabe du Sindh et du Bas-Panjâb, nous apprenons par l'Hudiîd-al-Âlam (vers 982) que les gouverneurs de Mansûriya et de Multân lisaient tous deux indépendamment lakhulba au nom du Khalife, et même pas toujours au nom du même Khalife. En 1830-1, quand Al. Burnes remonte le fleuve, il rencontre la frontière de l'Emîrat bélûchî et du royaume Sikh juste au-dessous du grand confluent. Dès 1848, six ans avant le Panjâb, le Sindh devait payer de son indépendance la compensation que la Compagnie des Indes se croyait due pour son échec en Afghânistan : mais les deux pays constituent toujours deux provinces, et, à présent même, deux « gouvernements ». Il n'y a pas que la grammaire qui sache régenter jusqu'aux rois; il y a aussi la géographie : et une sorte de consensus permanent veut que les plaines arrosées par les branches de l'éventail des Cinq-Rivières, et celle intersectée par le manche que figure assez bien le bas Indus, lors même qu'elles appartiennent au même empire, soient organisées en entités politiques distinctes.

Si nous nous tournons à présent vers la moitié limitrophe de l'Irân, de bonne heure nous la voyons également en train de se diviser transversalement par le milieu, ainsi qu'elle l'est encore aujourd'hui. Depuis l'invasion hephtalite, la Perse avait perdu tout contrôle sur la partie septentrionale du massif afghan : en revanche elle était restée ou redevenue maîtresse de toute la portion actuellement représentée par l'Afghânistân méridional et le Bélûchistân. C'est ce qui nous a déjà expliqué pourquoi, sitôt les armées persanes mises en déroute, les Arabes avaient pu par la route de Karamanie gagner sans désemparer le Sindh, tandis qu'ils ont dû longtemps piétiner sur place avant de s'ouvrir (par procuration) l'accès du Haut-Panjâb. Ce qu'il nous faut noter à présent, ce sont les conséquences modernes de ce même fait. Bien après que la fondation de l'empire musulman de Delhi, en annexant l'Inde brune à la blanche, aura par ce détour rendu à la péninsule ses frontières naturelles, la Perse persistera dans ses visées politiques en direction du Sud-Est, vers l'Ar-Rukkhâj et le Makrân, tandis que l'Hindûstân continuera à se garder jalousement au Nord-Ouest contre le Khorâsân. Kâbul, où Bâbur a voulu être enterré, restera plus ou moins nominalement dans la dépendance des Grands-Moghols; Kandahâr, constamment disputé entre Shâhs et Padishâhs, changera alternativement de mains jusqu'en 1649, après quoi toutes les tentatives de Shâh-Jehân pour recouvrer cette ville seront vouées à l'insuccès. En revanche,

c'est de Kandahâr que, renversant les rôles, les tribus Ghilzai partiront pour ravir la Perse aux derniers Séfévides. Ce raid éphémère, mené par des montagnards avant tout pressés de

rentrer chez eux pour y jouir au frais de leur butin et incapables de garder la maîtrise de leur

conquête, ne mérite qu'une mention épisodique; il en va autrement quand Nâdir-Shâh, leur vainqueur, les poursuivant l'épée dans les reins, pousse d'emblée jusqu'à Delhi (1739). Non seulement

il incarne à nos yeux la dernière en date des grandes invasions occidentales; mais, en faisant pour un instant table rase de toutes les frontières entre l'Irân et l'Inde, il se trouve avoir à son insu institué à notre usage une expérience des plus intéressantes. Rien n'est plus curieux que de voir,