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0128 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 128 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LES PROPAGANDES RELIGIEUSES

n'était pas nécessaire que l'âme existât pour que le fruit de ses oeuvres pût transmigrer, leurs ouailles ne s'embarrassaient guère de ces distinctions subtiles. Dans l'Asie orientale les manichéens confondent à tel point leur « transvasement » avec la transmigration à l'indienne que le texte chinois traduit par Ed. Chavannes et M. P. Pelliot parle de « revenir en cercle dans les cinq voies », c'est-à-dire dans les cinq gati des dieux, des hommes, des animaux, des spectres et des damnés. De même quand les adeptes de Mânî apportèrent leurs idées sur la vie future dans le bassin de la Méditerranée, celles-ci y réveillèrent simplement le souvenir de la vieille croyance pythagoricienne en la palingénésie; ce qui n'empêche- pas que saint Augustin, quand il emploie le mot revolutio pour désigner le cycle des renaissances, nous donne sans s'en douter une traduction latine fort acceptable du sanskrit samsâra (12).

On sait en effet que le manichéisme finit par se répandre, à partir de son berceau iranien, lui et son dualisme invétéré, d'une part jusqu'en Chine et de l'autre jusqu'aux Colonnes d'Hercule, en quoi il se trouva un moment mieux partagé que le bouddhisme et le christianisme. Mais son succès fut aussi plus éphémère; car considéré partout, du fait de son éclectisme, comme une simple hérésie, il finit par être résorbé de gré ou de force par les trois religions qu'il prétendait combiner (et de plus, en Chine, par le taoïsme) — sauf dans les pays où l'Islam procéda directement à sa destruction. Au temps de sa plus grande expansion, il était d'ailleurs inévitable que, demeuré plus mazdéen en son centre, il prît dans son aile occidentale une tournure chrétienne plus caractérisée, tandis que son aile orientale adoptait une phraséologie plus voisine de celle du bouddhisme. C'est ce qui rend si difficile la tâche de dégager clairement chez lui la part des influences indiennes : car il est bien évident que quand les Chinois et les Turcs nous parlent des « Fo » ou des « Burkhân » manichéens, ils emploient sans aucune arrière-pensée syncrétiste le terme honorifique de «Buddha », et il serait abusif de vouloir les prendre au mot. N'oublions pas d'autre part que les prescriptions en vigueur parmi les « fils » spirituels de Çâkya-muni, célibat, chasteté, pauvreté, horreur du sang répandu, etc... étaient également de règle non seulement chez les Esséniens, mais dans la plupart des sectes gnostiques de l'Asie occidentale, à l'exception de celles que l'excès de leur mysticisme avait fait au contraire verser dans la plus licencieuse des débauches. D'autres analogies d'apparence plus précise ou bien sortent de la nature même des choses, telle la triple surveillance des actes, des paroles et des pensées; ou bien se retrouvent également ailleurs, telle la possession d'un décalogue (z3). Aussi, en attendant des spécialistes une étude plus approfondie, devons-nous nous borner ici à deux indications qui nous paraissent de nature à conduire à un résultat suffisamment concret pour être susceptible d'une vérification expérimentale.

La première concerne le cheminement à travers tout l'Ancien monde d'un petit fait matériel et nous fournit- du même coup la solution d'une véritable énigme archéologique. Mâni et Manichéens avaient pu observer dans l'Inde, lors des repas en commun au réfectoire du couvent ou chez les zélateurs laïques, la coutume de laisser sans occupant la première place, celle du plus « ancien », supposé absent. D'après la légende cette convention, devenue rituelle, datait du temps où le Buddha était monté au ciel des Trente-trois dieux pour y passer la saison des pluies, occupé à convertir sa mère, qui y était renée. Pendant les trois mois que dura son absence, le fidèle Anâthapindika continua d'inviter la Communauté; mais nul n'osa, il va de soi, s'installer sur le siège d'honneur qui, normalement, aurait été réservé au Maître. Cette tradition nous aide rétrospectivement à comprendre comment il a pu paraître naturel et satisfaisant aux plus vieux imagiers et donateurs bouddhiques de représenter, comme ils font constamment, le Buddha par son trône vide. Elle nous explique aussi que le rite se soit introduit dans les communautés manichéennes, lors des commémorations annuelles du martyre de leur Maître, de rendre une sorte de culte à la