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0156 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 156 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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LES INFLUENCES ARTISTIQUES

IV. — LES CAUSES PREMIERES.

Si fermement que cette conclusion nous paraisse acquise, nous n'ignorons pas les critiques que d'aucuns ne manqueront pas de lui adresser ; mais comme nous devrons revenir ci-dessous sur les débuts de l'École, le simple déroulement des faits montrera, nous l'espérons, l'inanité de ces objections sans qu'il soit besoin de fatiguer le lecteur par de vaines polémiques. Toutefois on nous ferait tort de croire que nous nous estimions satisfaits du résultat obtenu et encore moins de la voie étroite et hasardeuse que nous avons dû prendre pour l'obtenir. Certes nous tenons pour assuré que, si l'art indo-grec n'était pas né avant les invasions barbares, il ne serait jamais né; or, en fait, il existe : mais nous reconnaissons volontiers que, si un raisonnement ab absurdo a sa valeur en mathématiques, il n'est guère de mise dans les sciences historiques, et constitue un frêle point d'appui pour étayer une chronologie. Évidemment il y a quelque chose qui cloche dans la méthode que nous avons jusqu'ici suivie. Obstinément penchés sur le creuset où devait forcément se produire l'amalgame attendu, nous avons trop négligé d'interroger autour de nous l'horizon et de compter avec les tenants et aboutissants du phénomène dont nous guettions l'apparition. Notre excuse est qu'il est difficile, sinon impossible, de dévider plus d'une série de faits ou plus d'un enchaînement d'idées à la fois. Quant à notre faute, il faut avouer que nous ne sommes que trop portés en France à nous fier en toute circonstance à la logique, et c'est ce qu'une de ces comparaisons chères à l'auteur du Milinda-panha va nous aider à comprendre.

Choisissons, puisque nous sommes dans l'Inde, l'exemple classique dont les logiciens indiens se servent pour illustrer leur théorie de la causalité. Qui produit le pot ? Chacun sait que c'est le potier, en sa qualité d'artisan communal rémunéré par le village, cette cellule de l'organisation indigène. — Sans doute, mais cette réponse est beaucoup trop simple : les Naiyâyikas (tout comme Aristote, sauf qu'ils ont fait l'économie de la cause finale) ont décomposé la notion et distingué l'une de l'autre la cause substantielle de la cause instrumentale. La première leur est aussitôt fournie par l'argile que modèlent les doigts de l'ouvrier ; quant à la seconde, ils la découvrent dans le bâton qui imprime à la roue le mouvement de rotation nécessaire pour réussir ce modelage. Les Naiyâyikas modernes, soucieux de rapprocher autant que possible la cause de l'effet, veulent même que ce mouvement soit la véritable cause efficiente. Anciens et modernes sont d'accord pour écarter avec horreur de leur considération le « père du potier » et son « âne », même si ceux-ci sont présents pendant qu'il travaille sous l'arbre qui abrite son atelier en plein air. En bonne logique, ils ont raison; mais la logique n'est pas ce qui règle la vie. Évidemment, ni le vieillard ni la bête de somme ne prennent aucune part directe à la production du pot. Qu'on se demande pourtant ce qui serait advenu au cas où le père du potier serait mort sans postérité; et si, comme il arrive, l'âne succombait en chemin sous la charge de glaise que son rôle est d'apporter à pied d'oeuvre, le village ne devrait-il pas se passer ce jour-là de la vaisselle de terre cuite dont il fait quotidiennement si grande consommation ? Au contraire, si le bâton venait à se casser, le temps d'en trouver un autre, et la fabrication ne serait qu'un instant retardée. Ainsi les causes les plus prochaines ne sont pas les seules indispensables. Qu'elles soient les plus opérantes, nul n'en disconviendra : mais leur opération est elle-même conditionnée par d'autres qui, pour être plus lointaines, n'en sont pas moins essentielles. C'est ce que nous avons trop oublié ci-dessus. Assurément nous ne sommes pas allés jusqu'à réduire la cause de la production de l'image du Buddha aux mouvements imprimés par le marteau du sculpteur à son ciseau quand il le promène sur le