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0152 La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2
La Vieille Route de l'Inde de Bactres à Taxila : vol.2 / Page 152 (Color Image)

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doi: 10.20676/00000237
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318   LES INFLUENCES ARTISTIQUES

décisive sur sa vie future ? Puis, qu'était en définitive ce Nirvâna dont le moine avait plein la bouche ? Que ce fût le but prétendu des aspirations de tous les bhikshu, c'était là chose entendue, bien que le méridarque eût ses renseignements particuliers et n'ignorât pas que bien des gens n'entraient en religion que pour dépister sa police. Mais était-ce un lieu ou un état d'âme ? Signifiait-il félicité suprême ou néant absolu ? Eh quoi, de votre propre aveu, le Buddha lui-même s'est déclaré empêché de le définir ? Que penser-alors de sa soi-disant omniscience ? Au fait, est-il bien sûr qu'il ait existé ? Dans ce cas, qui était-il ? Qu'est-il devenu ? Que sa mémoire ait droit, tout comme celle d'un Epicure ou d'un Zénon, à la vénération de ses sectateurs, rien de plus juste : mais à quoi rime cette prétention extravagante d'en faire non seulement un dieu, mais un être supérieur aux dieux, alors que son éminente dignité provient justement du fait — il l'a lui-même proclamé — qu'il n'était qu'un homme parmi les hommes et ne doit qu'à la seule supériorité de son intelligence d'avoir découvert la voie du salut ?...

Sur ces topiques essentiels, et bien d'autres encore qu'il serait facile d'imaginer, mais trop long de rapporter, roulaient interminablement ces entretiens entre intellectuels Yavanas et révérends bouddhistes. Ce qui nous importe par-dessus tout ici, c'est que leur historicité soit certaine. Nous n'en trouvons pas seulement l'assurance dans le fait que les mêmes questions continuent chez nous à remplir les commentaires et à défrayer les discussions sur la Bonne-Loi : nous croyons encore tenir dans les deux principaux résultats qu'ont eus ces conversations la preuve matérielle que nous en avons bien restitué la teneur et les tendances. Tout d'abord il serait incroyable que dans ces milieux de vieille civilisation, où l'écriture était depuis longtemps entrée dans l'usage courant, toutes ces tractations philosophico-religieuses soient restées purement orales et qu'aucun mémorandum n'en ait été rédigé en grec. Les conditions historiques et climatiques de l'Inde auront fait disparaître à jamais ces notes manuscrites jetées sur des matériaux périssables; mais la plus modeste supposition que nous puissions avancer, c'est qu'il a existé, sinon de véritables catéchismes analogues à ces tracts que l'Asie, pensant que c'est bien son tour d'évangéliser l'Europe, commence à nous expédier, du moins des traductions écrites des textes capitaux sur lesquels se fondait toute la prédication, à savoir la formule de l'enchaînement des douze causes-effets qui, s'engendrant l'une l'autre, régissent toute destinée, et le sûtra des « quatre nobles vérités » sur l'existence, l'origine, le remède et la suppression de la douleur. Il eût été fort curieux de savoir quels équivalents grecs les drogmans employés par les Yavanas avaient su forger aux termes techniques du bouddhisme : mais, nous l'avons vu (supra, p. 274), c'est tout juste si la traduction littérale d'un des huit mots essentiels de la quatrième de ces vérités nous a été, par une chance extraordinaire, conservée dans une mention de Ptolémée. N'oublions pas d'ailleurs qu'au moment où nous sommes parvenus, c'est-à-dire dans la seconde moitié du He siècle avant notre ère, les colons Yavanas, à l'exception des nouveaux venus, parlaient presque tous la langue indigène, si même ils ne la lisaient pas, ce qui rendait moins nécessaire, et par suite moins répandue la rédaction de textes grecs. Par le fait, du- côté indien, nous sommes beaucoup plus favorisés : car un simple examen critique des « Questions de Milinda » démontre que (ramené à sa version originale en prâkrit du Nord-Ouest, réduit à trois livres sur sept, et les trois restants débarrassés de leurs interpolations les plus évidentes) ce dialogue n'est autre qu'une mince brochure de propagande composée à l'usage de la colonie étrangère. Le livre II (le premier n'est guère qu'un prologue) constitue pratiquement un recueil assez méthodique, éclairci par des « définitions » (lakshana) et illustré par des exemples, de tous les mots ou groupes de mots qui contiennent ou résument l'essentiel de la doctrine bouddhique. Il fournit ainsi une excellente préparation à la lecture et à l'intelligence des Écritures du Tripitaka, où ces termes reviennent à chaque ligne; et il est clair que cette sorte